LE PARTI ET SON HISTOIRE
La création en 1992 du Parti du Renouveau Démocratique (PRD), devenu Mouvement pour le Renouveau démocratique et le Développement (MRD), s’inscrivait et s’inscrit toujours dans la revendication démocratique nationale longtemps étouffée par le système du parti unique en vigueur en République de Djibouti, système imposé par le régime du président Hassan Gouled Aptidon au moyen d'une loi liberticide du 24 octobre 1981 qu'il avait pompeusement baptisée Loi de mobilisation nationale. Ce texte de loi, qui avait mis fin au pluralisme (certes dévoyé) d’avant l’Indépendance de 1977, intervenait quelques semaines après l’initiative de personnalités politiques en vue (parmi lesquelles Moussa Ahmed Idriss, Ahmed Dini Ahmed, Omar Osman Rabeh, Djama Yacin et Mohamed Saïd Saleh ) de fonder le premier parti d’opposition post-colonial, le Parti Populaire Djiboutien (PPD).
C’est à la faveur du vent de démocratisation qui a suivi l’effondrement du Bloc Communiste et la fin de la Guerre Froide que la revendication démocratique djiboutienne a repris de la vigueur. Elle s'est exprimée par les armes avec la naissance du Front pour la Restauration de l’Unité et la Démocratie (FRUD) comme par l’action politique pacifique avec la naissance du Mouvement pour la Paix et de la Réconciliation (MPR) qui annonçait le PRD.
Le MPR a été créé en mars 1992 par des personnalités emmenées par le regretté Mohamed Djama Elabé, personnalité politique de premier plan, entré en opposition au régime du président Hassan Gouled Aptidon qui se braquait à contre-courant face à la revendication démocratique. Ministre de la Santé Publique, réputé pour son intégrité, sa compétence et sa stature d’homme d'État, il venait de marquer sa rupture définitive avec le pouvoir par une retentissante démission en date du 14 janvier 1992. Suivi d’un autre ministre, celui de la Fonction publique, son ami Souleiman Farah Lodon, qui avait longtemps été Directeur Général de l'Éducation Nationale, Elabé permettait à l’opposition civile intérieure de se structurer.
Mohamed Djama Elabé
Père fondateur
L’action conjuguée du FRUD, qui multipliait les victoires sur le terrain depuis son apparition fin 1991 (il était alors dirigé par Mohamed Adoyta Youssouf auquel allait succéder l’ancien Premier Ministre Ahmed Dini Ahmed en août 1992), et du MPR se révélait efficace. Ces deux organisations étaient bientôt rejointes par l’Opposition parlementaire que présidait le regretté Mohamed Ahmed Issa dit Cheiko et par d’autres groupes politiques tels que l’Union des Démocrates Djiboutiens (UDD), le Mouvement National Djiboutien (MND), ou le Mouvement pour le Salut et la Reconstruction (MSR), pour ne citer que ceux-ci.
Cette pression conjuguée montait en puissance avec la création en juin 1992 à Paris (France) d’une coalition de l’opposition dénommée Front Uni de l’Opposition Djiboutienne (FUOD), coalition présidée par Mohamed Djama Elabe. Tout cela allait affaiblir le pouvoir de Gouled et le contraindre à lâcher du lest.
Dès le 4 septembre 1992, le régime soumettait un projet de constitution au peuple djiboutien. La première constitution post-coloniale voyait le jour, assortie d’une loi référendaire (par ailleurs jamais publiée) limitant le nombre des partis politiques à quatre formations. C’était en-deçà des aspirations nationales mais ce n’en était pas moins une victoire des démocrates djiboutiens.
Le MPR choisissait alors d’inscrire son combat dans cette nouvelle légalité et se transformait en un parti politique légalement constitué sous l’appellation de Parti du Renouveau Démocratique (PRD). Le congrès fondateur du PRD se tenait le 12 septembre 1992 à la résidence djiboutoise du regretté Mohamed Djama Elabé, qui en était élu président. Il était légalisé le 27 septembre 1992, devenant la première formation d’opposition légalisée, devant le Parti National Démocratique (PND) de Monsieur Aden Robleh Awaleh, ancien ministre et ex-dirigeant indépendantiste.
Le PRD s'implantait sur l'ensemble du territoire national et s'imposait comme un parti de masse. Il se dotait d'un organe de presse hebdomadaire, le Renouveau, qui marquait le paysage médiatique national en se faisant la voix des sans-voix. Le parti participait aux premières élections législatives du 18 décembre 1992, puis à la présidentielle du 7 mai 1993 avec Elabé comme candidat. Le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP) au pouvoir opposait à la puissance électorale du PRD sa machine à frauder et lui volait sa victoire. Aux législatives comme à la présidentielle, le régime ne reconnaissait au PRD que 25% des suffrages, sans compter la répression grandissante qu'il orchestrait contre le parti et ses partisans.
Suite à la mort aussi brutale que mystérieuse de Mohamed Djama Elabé, survenue le 26 novembre 1996, le régime décidait d'exclure purement et simplement le PRD de la scène politique. Aussi le décrétait-il illégal le 23 mai 1997. A partir de ce jour, la machine répressive s'emballait contre le parti, ses militants et ses sympathisants. Arrestations arbitraires et détentions illégales, emprisonnements par une justice aux ordres, agressions physiques et morales, pertes d’emplois et autres activités économiques, intimidations et menaces permanentes, fermetures de locaux et confiscation de matériel de travail...tel devenait plus que jamais leur lot ordinaire.
Toutefois, le PRD et les siens ont résisté contre vents et marées et poursuivi la lutte pour la démocratie et l'État de droit à Djibouti. Ils ont ainsi soutenu le candidat unique de l'opposition à l'élection présidentielle du 9 avril 1999, Moussa Ahmed Idriss, dont la victoire écrasante allait être volée par le régime au profit du successeur désigné du président Gouled, Ismaël Omar Guelleh.
Ce combat du PRD et celui du reste de l’opposition djiboutienne, particulièrement du FRUD, ont fini par arracher au régime d'Ismaël Omar le multipartisme intégral. En vertu de l’accord de concorde et de réformes démocratiques du 12 mai 2001 entre le FRUD et le gouvernement d'Ismaël Omar Guelleh, accord soutenu par le PRD et salué par le peuple djiboutien, le successeur dynastique de Gouled a consenti à l’entrée en vigueur du multipartisme intégral, à l’issue de l’expiration de la période de validité de dix ans de la fameuse loi dite référendaire du 4 septembre 1992, expiration effective depuis le 3 septembre 2002.
La question de la reconquête de la légalité s’est donc posée au PRD. Et plutôt que de se tourner vainement vers la justice aux ordres du régime pour conserver la dénomination à lui arbitrairement déniée de PRD, le parti a décidé de poursuivre la lutte sous une nouvelle appellation. Celle de Mouvement pour le Renouveau démocratique et le Développement (MRD) était retenue. Aussi la formation politique a-t-elle fourni l’effort d’une ré-légalisation : elle a tenu son congrès re-fondateur le jeudi 7 novembre 2002 à son siège central de Djibouti-ville (le même depuis la naissance du PRD le 12 septembre 1992) et déposé son dossier de légalisation le dimanche 17 novembre 2002 au ministère de l’Intérieur. Elle a obtenu le récépissé de déclaration sous la dénomination de MRD le lundi 25 du même mois de novembre 2002.
Devant la pugnacité et la persévérance du MRD, le pouvoir en place n'a pas trouvé mieux que de le dissoudre arbitrairement. Il l’a fait par décret présidentiel en date du 9 juillet 2008 sous l'accusation sans fondement et fallacieuse d'avoir invité l'Érythrée à envahir Djibouti et à bouter Ismaël Omar Guelleh hors du pouvoir au profit de l'opposition. Inébranlable, le MRD a poursuivi la lutte pour le changement démocratique à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.
De la sorte, il a contribué de manière décisive à la création de la coalition d’opposition Union pour le salut national (USN) qui a vu le jour le 16 janvier 2013. Sous la bannière de l’USN, le MRD a participé aux élections législatives du 22 février 2013 qui ont vu l’opposition gagner le scrutin à hauteur de 80% des 65 sièges que compte l’Assemblée nationale. Le refus de la victoire de l’USN par le pouvoir d’Ismail Omar Guelleh a provoqué une crise postélectorale qui a duré jusqu’au 30 décembre 2014. A cette date, le régime a dû signer avec la coalition un accord politique prévoyant notamment des réformes démocratiques immédiates, accord à ce jour largement inappliqué. Durant toute l’existence de l’USN, de 2013 à 2016, le MRD était le parti d’opposition le plus persécuté par le régime en raison de son rôle moteur au sein de la coalition.
Fidèle à la lutte, le MRD a continué, après l’éclatement de l’USN, de persévérer et de résister aux persécutions dictatoriales. Cette persévérance lui a permis de porter sa dissolution arbitraire devant la justice internationale. Il a introduit, par l’intermédiaire de son président, Daher Ahmed Farah, une plainte devant le Comité des Nations-Unies pour les droits de l’Homme à Genève (Suisse) le 21 novembre 2017. Le Comité de l’ONU lui a donné gain de cause le 4 novembre 2020, publiant sa décision le 8 janvier 2021. Aux termes de la décision du Comité onusien, ‘’ l’État partie est tenu : a) d’annuler le décret présidentiel du 9 juillet 2008 ; b) de permettre à l’auteur de poursuivre librement son activité politique et considérer la possibilité de réenregistrer le Mouvement pour le Renouveau Démocratique et le Développement (MRD) ; c) de permettre à l’auteur de participer aux élections ; et d) de fournir à l’auteur une indemnité adéquate et des mesures de satisfaction appropriées. Il est en outre tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir. (…) L’État partie est invité en outre à rendre publiques les constatations du Comité et à les diffuser largement dans les langues officielles’’.
Fort de cette victoire internationale, le MRD a redoublé d’efforts dans la lutte, y compris dans la création d’une nouvelle et solide coalition de l’opposition. D’où ses contacts suivis avec les partis d’opposition MoDeL (Mouvement pour le Développement et la Liberté) et ARD (Alliance Républicaine pour le Développement). De ces contacts fructueux, est né le Bloc pour le salut national (BSN) proclamé le 24 mai 2024 à Djibouti-ville, capitale du pays.
Par son long et déterminé parcours, le MRD a prouvé qu’il est formé de femmes et d'hommes unis par les mêmes valeurs et idéaux. Il a prouvé que seuls ses membres et sympathisants peuvent décider de son destin, non le pouvoir en place. C’est dire sa solidité.
La lutte continue jusqu’à la victoire.
Daher Ahmed Farah (DAF)
Président du MRD