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C’est en un mot à un Etat crédible que nous invitons les Djiboutiennes et les Djiboutiens.
Un Etat éducateur parce que conscient de l’importance vitale du capital humain, de l’état des mentalités et de la nécessité d’intégrer les données de la modernité. Un Etat qui se soucie d’instruire et de former un citoyen éveillé et humaniste, démocrate et dynamique, fier à la fois de son identité djiboutienne et de son ouverture au monde. Un tel citoyen contribue à l’avènement d’une société résolument démocratique, juste et fraternelle, attachée au développement harmonieux, respectueuse d’elle-même et d’autrui.
Un Etat protecteur de l’individu comme de la collectivité, des personnes comme des biens, de l’ordre public comme de l’intégrité territoriale, de la femme comme de la jeunesse et des personnes âgées, des minorités comme de la majorité, de l’identité nationale dans la diversité culturelle. Un Etat qui protège les droits de l’Homme et les libertés, protège travailleurs et employeurs, rassure investisseurs et demandeurs d‘emplois. Un Etat qui garantisse la cohésion sociale et la solidarité nationale.
Un Etat responsabilisateur parce que responsable et démocrate, participationniste et intégrateur. Un Etat qui sache décentraliser, déconcentrer, déléguer. Un Etat qui tourne le dos au pouvoir personnel et aide ses citoyens à se réapproprier la vie publique.
Un Etat développeur parce que conscient de nos potentialités et des enjeux du progrès, convaincu de l’impérieuse nécessité de tirer les choses et les êtres vers le haut, d’avancer et de faire avancer. Un Etat confiant en lui-même et en son peuple, dynamique et vigilant, clairvoyant et prévoyant.
Un Etat gestionnaire parce que rationnel sans être désincarné, intègre et performant. Un Etat capable de mettre la femme ou l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, d’employer les finances qu’il faut où il faut, d’affecter les moyens matériels qu’il faut où il faut. Un Etat qui avance à la lumière du passé mais aussi à la lueur du présent et du futur.
Un Etat conscient de sa place dans la région et dans le monde, fier de sa quadruple appartenance africaine, arabo-musulmane, francophone et mondiale. Un Etat soucieux d’ouverture dynamique au reste du monde, de la qualité de ses relations extérieures, le tout dans le respect mutuel et la non-immixtion dans les affaires intérieures des autres pays.
Un tel Etat est tout simplement un Etat crédible. C’est un Etat digne de confiance et d’abnégation. C’est un Etat digne de nous, un Etat à visage humain.
C’est un Etat repensé pour une société en paix avec elle-même comme avec les autres, capable de concilier les valeurs qui la fondent avec les impératifs de la vie collective moderne, progressiste et prospère.
Chers compatriotes, ainsi que notre pays l’apprend à ses dépens, l’exercice du pouvoir d’Etat, la gestion des affaires publiques, ne sont pas une affaire de prédation alimentariste, ni de sectarisme communautaire ou religieux. Ce ne sont pas une administration au jour le jour, ni une question de manœuvres à courte vue.
Prétendre à gouverner un pays exige des qualités et des compétences particulières ainsi qu’une vision politique claire et crédible. Il faut être capable de développer une réflexion responsable d’ensemble pour appréhender au mieux le destin commun et essayer de l’amener, par une volonté consciente et conséquente, à s’accomplir de manière heureuse.
En clair, il faut être porteur d’un projet politique, d’un choix de société, d’une alternative crédible, à même d’emporter l’adhésion collective. Aucun leader politique digne de ce nom ni aucun parti politique sérieux, ne peuvent en faire l’économie.
De même, l’on ne peut faire l’économie d’un débat national autour de tous les sujets d’intérêt général. C’est une question de bon sens et d’exigence démocratique.
Au MRD, nous avons toujours été et restons ouverts au débat. Nous demeurons réceptifs à toutes critiques et suggestions constructives.
Idées + action = Progrès, telle est l’équation de la réussite.
PLATEFORME DE L’OPPOSITION SUR LES REFORMES DEMOCRATIQUES
Les vues de l’opposition djiboutienne, en particulier des partis légalisés, convergent en ce qui concerne les réformes démocratiques à mettre en œuvre en République de Djibouti. Ces réformes font d’ailleurs partie de l’accord de paix et de concorde civile signé entre le Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (FRUD) du regretté Ahmed Dini Ahmed et le gouvernement du président Ismaël Omar Guelleh le 12 mai 2001. Accord salué par le reste de l’opposition et le peuple djiboutiens et dans le cadre duquel la faction signataire du FRUD s’est transformée en parti légalisé d’opposition sous l’appellation d’Alliance républicaine pour le développement (ARD). Ces réformes démocratiques promises par le régime mais non tenues sont :
1 - L'entrée en vigueur du multipartisme intégral (c'est la seule réforme appliquée mais non sans entraves politico-administratives) ;
2 - La décentralisation des régions autres que Djibouti-ville, la capitale : la question de la décentralisation hors capitale fait l'objet d'une loi organique jointe à l'accord qui jaunit dans les tiroirs du pouvoir ;
3 – L’élaboration conjointe (Opposition/Gouvernement) du statut décentralisé de la capitale, qui abrite près de 80% de la population djiboutienne ;
4 - Le réexamen du Conseil constitutionnel dans son statut comme dans sa composition : il est, comme le reste de l'appareil d'Etat, totalement inféodé au régime qui en nomme les six membres ;
5 - La mise en place d'une Commission électorale nationale indépendante en charge de l'ensemble du processus électoral depuis la confection des listes jusqu'à la proclamation des résultats et composée à parité de représentants de l'opposition et du régime sous la présidence d'une personnalité indépendante acceptée par les deux parties (c'est la condition sine qua non de la transparence électorale) ainsi que l’introduction d’une dose de proportionnelle au mode de scrutin ;
6- Une justice indépendante et la réactivation du Tribunal du contentieux administratif mis en sommeil depuis 1996 ;
7 - Le respect des libertés fondamentales (syndicale, d'expression, de presse, etc.) et des Droits de l'Homme ;
8 - L’accès libre et équitable des partis politiques aux médias publics (radio, télévision, journaux, etc.).
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Pour mener à bien sa mission multiforme et exaltante, l’Etat a, bien entendu, besoin de ressources. Ces ressources sont de différents ordres. Elles sont humaines, financières et matérielles.
Les femmes et hommes que l’Etat emploie sont ses salariés. Ils ont des droits mais aussi des devoirs. Leur statut est défini par les lois et règlements de la République. Leur rôle aussi. Ils agissent conformément à la Loi, en accord avec les directives reçues des autorités politiques.
Ils sont, nous le savons, ce que l’on appelle les agents de l’Etat. Ils sont, par définition, des serviteurs, non des profiteurs. Ils ont pour mission de travailler à la mise en oeuvre de la gouvernance publique. Ils sont au service de l’effort de développement que poursuit l’Etat. Ils sont censés être l’instrument fidèle, intelligent et consentant de l’action étatique.
1 - L’homme ou la femme qu’il faut à la place qu’il faut
Ils doivent par conséquent répondre aux critères objectifs édictés pour les tâches qu’ils sont appelés à effectuer. Il leur faut être compétents et méritants. Il leur faut être intègres et dévoués. D’eux sont exigés dynamisme et conscience des enjeux nationaux.
Le népotisme, le tribalisme, la corruption et autres maux à l’œuvre à tous les niveaux de l’appareil d’Etat doivent disparaître. Que cessent ces recrutements qui obéissent à des considérations de bas étage ! Que s’arrête l’embauche à la filiation, aux relations d’intérêts et autres critères douteux ! Plus de prime à l’appartenance communautaire, au sexe ou à l‘allégeance politique ! Place au talent, à l’intelligence et à la valeur de l’individu. Place au professionnalisme. Le mérite doit être récompensé.
Des maux qui minent notre appareil administratif et institutionnel, il nous faut guérir par une gestion rationnelle et volontariste des ressources humaines. Une gestion qui fasse adhérer les uns et les autres, soit fondée sur une approche inclusive, conforme à l’intérêt général.
Il est grand temps de mettre où il faut l’homme qu’il faut, la femme qu’il faut. Grand temps que chaque agent trouve sa place, serve au mieux la société. Que chaque agent donne sa pleine mesure.
Au plan financier, l’Etat dispose principalement de ce que l’on appelle les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire les impôts et autres taxes qu’il tire de l’activité économique. Il est aussi propriétaire d’établissements publics et sociétés d’Etat. Ce sont ses monopoles. Il est même parfois actionnaire d’activités relevant du secteur privé. Il reçoit, en outre, des fonds au titre de l’aide internationale, sous forme de dons ou de prêts à des conditions plus ou moins avantageuses.
Ce sont des ressources qui, bien gérées, sont de nature à financer l’action publique saine et multiforme que nous appelons de nos voeux. Les gérer comme il se doit, requiert, non des décisions douteuses, mais un projet clair sous-tendu par une vision politique digne de ce nom.
En termes concrets, l’Etat doit d’abord revoir sa politique fiscale en fonction de sa politique économique, reflet de sa politique générale et de ses objectifs de développement. Il doit cesser de naviguer à vue, quasiment au jour le jour, et concevoir une fiscalité qui encourage les investissements sans appauvrir les pouvoirs publics et hypothéquer la construction nationale. C’est possible si l’on mène la réflexion nécessaire et que l’on s’inspire des réussites des autres quand elles présentent assez de similitudes avec notre cas pour nous être adéquates.
La pression fiscale actuelle n’est pas appropriée. Elle ne s’inscrit point dans une démarche cohérente de développement, ne prend guère en compte les errements constatés, ne corrige point comme il se doit les dysfonctionnements. Ainsi se voile-t-elle la face sur le faible rendement fiscal, sur l’évasion de l’impôt, sur la corruption et les compétences que l’on brade, bref sur la mal-gestion en cours des deniers publics. Elle refuse de s’attaquer aux causes du mal et préfère frapper encore plus fort les honnêtes contribuables. Cette façon de faire ne peut plus perdurer. Elle est contre-productive.
Nous sommes pour une fiscalité moins douloureuse, moins décourageante, mais plus efficace.
Les moyens matériels n’en sont pas moins importants. Il ne s’agit pas de gaspiller l’argent public, d’acquérir du matériel dont le besoin n’est point justifié. Il n’est pas question de surfacturer et de se servir, de lancer des marchés injustifiés et de ponctionner. Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur la mauvaise qualité des ouvrages et autres réalisations publics.
Assez des éléphants blancs et autres projets mort-nés ! Assez de ces usines fantômes, de ces ports à l’abandon, de ces évacuations d’eaux pluviales jamais achevées ! Assez de ces routes défoncées, de ces cloaques d’eaux usées ! Non à ces écoles et dispensaires peu fonctionnels, peu sûrs et truffés de défauts ! Non au pillage du parc immobilier de l’Etat ! Non aux véhicules et logements de complaisance ! Assez des millions et des milliards de nos francs qui sortent des caisses publiques pour les poches des décideurs et de leurs complices !
Les moyens matériels de l‘Etat doivent correspondre à ses besoins réels, non fictifs. Ils doivent répondre aux règles de la bonne gouvernance, s’administrer par les hommes et les femmes qu’il faut. Ils doivent être gérés dans la transparence, soumis au contrôle administratif et judiciaire. Leur raison d’être ne peut être autre que l’intérêt général.
Bien gérer les ressources, qu’elles soient financières ou matérielles, commande, nous l‘avons dit, de mettre où il faut l’homme et la femme qu’il faut. Au bon dromadaire la bonne charge, pour reprendre une expression pastorale. C’est vital pour une gestion optimale et transparente.
2 - Les règles et les méthodes qu’il faut
Et à ces serviteurs de l’Etat, il faut de bonnes méthodes de gestion. Il leur faut pratiquer les règles éprouvées en la matière. Nous pensons à la séparation salutaire des ordonnateurs et des comptables, au contrôle administratif (à priori et à posteriori). Il nous faut de véritables contrôleurs financiers qui veuillent au grain en amont pour que chaque sou aille où il est affecté. Nous pensons également au contrôle judiciaire avec une cour des comptes pleinement indépendante. Elle doit traquer les infractions aux règles, être la gardienne de l’intégrité et de la rigueur.
Autre règle à suivre par l’Etat gestionnaire, la retransmission en direct des débats publics, sur les finances ou non, particulièrement à l’assemblée nationale, lieu de la représentation nationale, doit être instaurée. Point une mise en scène, mais une vraie ouverture qui permette un véritable contrôle populaire. C’est fort utile. Tout comme l’est la familiarisation du citoyen avec les services de l’Etat. Des initiatives telles que les journées portes ouvertes permettent au public de voir sur le terrain comment et pourquoi l’Etat fonctionne dans les domaines qui sont les siens.
Des techniques aussi. Pour optimiser l’accomplissement de sa mission de gestionnaire, l’Etat doit recourir aux techniques de pointe. L’analyse prévisionnelle, le suivi en temps réel des ressources et de leurs emplois, les interventions correctives, etc. s’imposent. L’usage de l’outil informatique offre de grandes possibilités pour baliser le chemin et réduire les risques d’une gestion à vue. Il rend plus aisée la gestion prévisionnelle, permet le suivi en temps réel, autorise des simulations éclairantes. Il facilite également l’accès populaire -par voie d’Internet- aux informations publiques ainsi que l’exige le principe salutaire de la transparence. Il n’est pas inintelligent d’envisager l’informatisation d’un certain nombre de relations entre les gouvernés et l’Etat, entre les citoyens et la République, entre les usagers et l’administration.
3 - Les orientations qu’il faut
Bien entendu, les agents de l’Etat ne peuvent mener leur rôle de serviteurs sans être orientés. Les décideurs politiques doivent leur fournir la boussole, la feuille de route qui convient. Car c’est aux politiciens qu’il appartient d’indiquer la voie, de dire les priorités, en fonction de leur programme politique approuvé par le peuple souverain. De ce point de vue, il est indispensable de prioriser les dépenses publiques, en privilégiant les secteurs vitaux tels que l’éducation, la santé, l’emploi, les jeunes et les femmes, les infrastructures de base, la culture nationale (enracinement démocratique compris), ou la sécurité au sens large qui englobe la paix civile et le cadre juridico-judiciaire.
Nos objectifs d’un Etat éducateur, protecteur, responsabilisateur, développeur et bon gestionnaire doivent, voyons-nous, se traduire dans la politique budgétaire. Il nous faut arbitrer avec clairvoyance et transparence pour parvenir à un bon équilibre entre les besoins en financement public et les contraintes de notre souci de développement. Le niveau de prélèvements doit être tel qu’il autorise notre attractivité et notre compétitivité sans nous priver des ressources vitales pour financer l’action publique. La résolution d’une telle équation ne nous paraît point impossible. Pourvu que l’on procède avec intelligence, transparence et pédagogie.
4 - Réfléchir et faire réfléchir
Il est clair que, au-delà des règles et techniques, l’Etat gestionnaire doit se nourrir d’une réflexion humaine permanente, qui éclaire régulièrement les décideurs, détecte les problèmes, y suggère des solutions. L’on ne peut pas faire l’économie d’une bonne veille, loin des errements actuels par lesquels s’illustre crûment le déficit de volonté politique de nos prétendus gouvernants. Pour cela, il nous faut, tant au niveau micro que macro-économique, une collecte et un traitement des données nationales, qu’elles soient économiques, financières, sociales ou autres. Sans oublier l’international qui influence notre vie nationale. Nous avons besoin d’une bonne comptabilité nationale, mais pas seulement. Si, en effet, un gestionnaire ne peut se passer de chiffres fiables, d’états statistiques fidèles, il ne peut non plus faire l’économie d’analyses approfondies qui intègrent ces données et aillent plus loin, qui manient autant de paramètres que nécessaire. Il s’agit de donner la parole à la fois aux chiffres et aux humains sur lesquels ils sont censés informer, à l’environnement national et à celui global, aux modèles théoriques et aux réalités concrètes. Il s’agit de confronter tout cela pour en dégager des possibilités d’action au service de la nation. Enquêter et étudier, dialoguer constamment avec le corps social, scruter le vaste monde, mettre à contribution les talents et compétences, expérimenter et évaluer, voilà une façon de faire qui nous semble utile pour que l’Etat tire le meilleur profit des intelligences et des opportunités. A défaut, il avance au jour le jour, à l’aveuglette. Il n’est point à l’abri des risques.
Sans tableau de bord, sans s’éclairer à la lumière du passé, du présent et de l’avenir, l’on ne peut prétendre à la performance.
Et pour l’Etat, faire preuve de bonne gestion n’est pas seulement positif pour son fonctionnement. Cela a une plus grande portée. La bonne gestion publique peut et doit rejaillir sur le reste de la vie nationale. Par le rayonnement de ses performances et de ses bonnes moeurs, l’Etat exerce un effet d’entraînement sur la société. Il promeut et enracine de bons réflexes. La morale publique influence favorablement le secteur privé. Elle finit par gagner les ménages dont elle améliore la gestion du foyer. Bien gérer le public est développant. L’image extérieure du pays y gagne.
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Un Etat digne de ce nom ne peut pas ne pas définir et conduire une politique extérieure. C’est important, très important. Et pas seulement pour des raisons de prestige. C’est l’intérêt national qui le commande.
Dans un monde aussi interpénétré, aussi globalisé, où aucune nation ne peut vivre sans les autres, où les économies comme les humains se mêlent au quotidien, il est vital de concevoir et de développer une politique extérieure qui tienne la route. A fortiori pour un pays tel que le nôtre qui, par la force des choses, est tourné vers le vaste monde.
Nous sommes un port, une place économique potentiellement forte. Nous sommes un trait d’union entre plusieurs mondes. Nous relions les deux rives de la Mer Rouge. Nous relions l’Afrique et l’Arabie. Nous relions les mondes anglophone et francophone. Nous sommes des musulmans tolérants, respectueux des autres croyants, comme nous l’enseigne notre religion. Nous sommes adossés à l’Ethiopie, à la Somalie et à l’Erythrée. Nous sommes posés à quelques encablures du Yémen et de la région du Golfe, à quelques battements d’ailes des Grands Lacs d’Afrique. Nous nous trouvons sur le chemin de la prospère Europe mais aussi à l’entrée de l’Océan indien et du dynamisme asiatique. Les Amériques ne nous sont pas inaccessibles. C’est dire si nous appartenons à un environnement stimulant, au fort potentiel économique et intellectuel.
Nous avons hérité d’une portion de ce berceau de l’humanité qu’est l’Afrique de l’Est. Nous sommes un petit creuset humain et culturel, où les hommes ont appris à se mêler sans se nuire.
Ce sont autant d’atouts à penser et intégrer dans notre schéma de développement et d’édification nationale.
Ouverture, neutralité, sérieux et dynamisme, voilà qui nous semble devoir guider notre action extérieure.
Ouverture. Ouverts à tous ces mondes auxquels nous avons accès d’une manière ou d’une autre. Ouverture décomplexée et constructive. Ouverture sans reniement de soi mais sans préjugés ni scories. Ouverture fondée sur la conviction forte que, bien appréhendées, les différences enrichissent. Ouverture économique, intellectuelle, culturelle. Aller vers les autres pour apprendre d’eux, commercer avec eux, s’enrichir au contact de leurs cultures. Aller vers les autres pour nous faire mieux connaître d’eux, mieux faire apprécier nos opportunités, nouer ou renouer des rapports fructueux et durables.
Aujourd’hui, d’ouverture point vraiment. Le régime en parle mais ne le pratique pas. Il n’en a pas le temps, si occupé à se servir.
Neutralité. Soyons neutres dans les différends, conflits et autres problèmes pouvant affecter nos partenaires. Gardons-nous de nous immiscer dans leurs affaires intérieures, de céder à l’aventurisme facile. Attachons-nous à être positifs avec les uns comme avec les autres. C’est essentiel pour jouir de la confiance des uns et des autres. Essentiel pour prôner, le cas échéant, le langage de la raison, pour contribuer à dénouer les problèmes qui opposent. On ne peut aider si on prend parti. C’est une question de bon sens.
Par malheur, ce n’est pas une image de neutralité que le pouvoir en place donne de notre pays. Il apparaît plutôt comme un fauteur de troubles. De la tourmente somalienne au conflit éthio-éryhréen, en passant par les problèmes intérieurs d’Ethiopie ou certaines affaires yéménites, Ismaël Omar Guelleh est négativement actif. Il a les bras dangereusement baladeurs.
Sérieux. Il nous faut être sérieux. Dans le discours. Dans l’action. Il nous faut être cohérents et conséquents. Il nous faut tenir nos engagements, qu’ils soient régionaux ou internationaux. Signer des papiers ne suffit point, il faut en respecter le contenu. Ce dont le pouvoir en place est bien loin. S’il lui arrive de signer des accords, conventions et autres traités, il ne s’empresse point de les respecter. Il a plutôt tendance à les oublier, sauf s’ils servent ses petits intérêts du moment. La durée, l’intérêt national ne sont pas sa tasse de thé. Considérez ce qu’il fait de ses engagements internationaux, d’ordre social, démocratique ou autres. Songez au sort qu’il réserve aux accords passés avec des partenaires de la sous-région. Rappelez-vous sa manie des petits arrangements secrets à relent mafieux.
Ce n’est pas faire montre de sérieux que de faire de Djibouti une plaque tournante pour toutes sortes d’opérations troubles. Le blanchiment de l’argent sale, les trafics en tous genres, l’accueil des individus et officines peu recommandables et leurs lots d’éliminations physiques, ne nous servent point. Ils ne font pas notre promotion. Sans doute rapportent-ils à Ismaël Omar Guelleh et à ses quelques amis du moment. Ils nous nuisent profondément. Il est urgent que cela cesse.
Dynamisme. Notre politique extérieure se doit aussi d’être dynamique. Elle doit fonctionner, non à la cadence des voyages d’agrément des dignitaires, mais au rythme de notre politique générale. Elle doit être au diapason de notre effort de développement, de notre construction nationale. Elle doit accompagner nos chantiers de développement, contribuer à en amplifier les bénéfices.
Notre diplomatie doit fonctionner à la mesure de nos possibilités, tirer le meilleur profit de nos affinités nombreuses.
Vers la Corne et au-delà, vers les rives de la Mer Rouge et plus loin, vers l’Afrique et l’Arabie, l’Occident et l’Asie, vers les mers chaudes et froides, nos yeux doivent savoir regarder et agir. Il leur faut fureter, balayer le vaste monde. Il nous faut être dynamiques et intelligents.
C’est à ce prix qu’est la politique extérieure digne de l’Etat et de la société que nous souhaitons bâtir.
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L’Etat repensé, disons-nous, doit être Educateur, protecteur et responsabilisateur. C’est capital pour renaître, très important pour rattraper le rendez-vous manqué de l’édification.
Il doit aussi être développeur. Développeur de notre capital humain. Développeur de nos potentialités. C’est là une évidence, mais il n’est pas inutile, loin s’en faut, de la rappeler. Jamais inutile de redire les choses utiles.
Développeur donc que l’Etat. C’est un rôle crucial qui exige de lui un souci de tous les instants, une volonté politique inébranlable de tirer toujours les choses et les êtres vers le haut.
1 - Développer par la valorisation de nos femmes et hommes
Développer c’est d’abord valoriser le capital humain, base de tout progrès. Sans les femmes et les hommes qui composent le peuple, en dehors d’eux, quel sens peut avoir l’idée même de développement ? L’Homme d’abord, par qui et pour qui le progrès se réalise. L’Homme au cœur de l’édification.
Il s’ensuit que le capital humain doit être la priorité des priorités, le souci premier, le point de départ de l’effort de développement. L’on obtient ce dont on a les humains, dit un dicton populaire bien connu des pasteurs nomades, de nous autres. Donnons-nous donc ces humains, ou plutôt mettons-les en situation de faire la différence. Let us enable them to make the difference, comme disent les Anglo-Saxons. We have to make the difference.
Formons adéquatement les femmes et les hommes, les nôtres. Fournissons-leur les outils qu’il faut. Aidons-les à bien-être et à bien agir, à se connecter fructueusement sur leur époque.
Les former, car sans savoir-faire, qui ne va point sans savoir-être, sans dispenser à ces hommes et à ces femmes les connaissances et qualifications que requièrent la vie et la société, ils ne peuvent valablement participer au développement, à leur développement. Sans pleine conscience de leur rôle et de leurs responsabilités dans la société, ils ne seraient pas acteurs de ce qui les regarde. Ils se révéleraient au contraire un frein à la nécessaire marche en avant, au progrès, à tout le projet national.
Nous l’avons dit et redit depuis le début de ces lignes, la valorisation humaine ressortit à l’Etat éducateur, garant de l’intérêt général. Il confie cette mission au système éducatif national qu’il pourvoit de l’orientation et des moyens requis. La famille et la société y contribuent. L’action publique de tous les jours ne l’oublie pas. C’est en définitive l’affaire de tous.
La valorisation du capital humain doit être, voyons-nous, la manifestation de notre volonté collective de changer de cap, de nous écarter du chemin peu enviable sur lequel le pouvoir en place, nourri aux mamelles coloniales, nous entraîne depuis trente ans. Volonté de nous aiguiller vers la voie qui sauve, celle de la construction. Volonté de reprendre possession de nous-mêmes, de reconquérir notre autonomie collective, de décider de notre destin.
Les stratégies éducatives, comme nous avons modestement essayé de le montrer dans nos quelques réflexions sur la mission de l’Etat repensé en la matière, ne manquent pas. Les moyens pour les mettre en oeuvre non plus. Les stratégies s’articulent autour d’une école redessinée, fruit d’une véritable réflexion nationale, autour d’une école, non pas greffée sur nous, non point vécue comme un corps étranger et partant peu efficace, mais enfantée par nous. Elles s’organisent autour de l’école de la Nation et de la République. Ce sont des stratégies qui reflètent notre vision du monde, de nous-mêmes et de notre place dans le grand espace des humains et des peuples.
Nous voulons apprendre, acquérir des connaissances. Nous entendons comprendre et utiliser les sciences et technologies. Nous voulons les apprendre, non comme une religion qui nous convertisse à nous ne savons quoi d’inavoué, mais comme des outils. Nous voulons les acquérir sans perdre de vue leur dimension humaine, sans faire abstraction des conditions humaines de leur production, de leur construction, qui font leur force mais aussi leur faiblesse. Nous voulons être conscients des possibilités et des limites de ce que nous apprenons.
Nous entendons, dans le même mouvement de renouveau, développer des attitudes et des comportements adéquats à notre projet de société, à notre destin commun. Nous entendons être, non un conglomérat fragile de communautés ombrageuses, mais des citoyennes et des citoyens d’un pays, des membres conscients et responsables d’une collectivité nationale. Nous entendons cultiver ce qui nous unit, développer le socle de nos valeurs communes, vivre dans la liberté, la justice et la fraternité.
Nous voulons, forts du savoir et de notre savoir-être, nous sentir pleinement djiboutiens, fiers de notre identité nationale. Mais sans nous fermer à l’Autre.
On ne gagne pas à se claquemurer, à se complaire dans sa petite coquille. Le repli sur soi n’aide pas, il n’enrichit point. Se fermer c’est s’appauvrir. Nous le savons, nous autres nomades, qui avons élevé l’accueil et l’hospitalité au rang de valeur cardinale, qui partageons volontiers notre modeste avoir matériel.
Des femmes et des hommes instruits, éduqués, formés, des hommes et des femmes conscients et acteurs, qui savent ce qu’ils veulent, ce qu’ils font, où ils vont. Des gens qui sachent saisir leur chance, qui ne l’attendent pas mais aillent vers elle. Des citoyens qui aient le goût de l’effort, le sens du progrès, l’esprit d’initiative, capables de gagner le possible et de tendre vers le souhaitable. Ainsi nous percevons-nous.
Fiers et ouverts, receveurs et donneurs, membres sans complexe du vaste monde, ainsi nous voyons-nous.
Avec un tel capital humain, de telles ressources en femmes et hommes, l’on a de bonnes chances d’avancer, de construire notre pays et notre nation. Nous avons bon espoir d’en finir avec l’immobilisme, les difficultés sans fin, la misère généralisée et l’angoisse devant l’avenir. Car avec des têtes bien faites, pleines de ce qu’il faut de savoir et d’ambition positive, avec des cœurs pénétrés de courage et de fraternité, le progrès cesse d’être un rêve irréalisable. On n’accuse pas la fatalité, on agit et avance d’un pas assuré.
Les nations qui ont réussi, quelquefois de moindre taille que nous, n’ont pas reçu le développement en révélation, elles l’ont tout simplement voulu, pensé puis traduit en actes. Elles se sont même, dans certains cas, sous des cieux parfois proches des nôtres, métamorphosées en un temps record à l’échelle de ce que nous apprend l’histoire du développement. C’est dire que, toutes proportions gardées, la chose est à notre portée.
Vouloir c’est pouvoir.
2 - Développer par la valorisation de nos potentialités
De ces têtes bien faites et de ces cœurs à l’avenant, doit pleinement jaillir l’intelligence créative, inventive, en un mot bâtisseuse. Les gisements d’ingéniosité qui sommeillent en nous doivent trouver à se déployer de manière consciente et responsable. Ils ont à se saisir de nos potentialités, à les penser et transformer. Dans l’intérêt bien compris de tous.
Ce, dans le cadre stimulant de l’Etat développeur. Qui doit s’empresser d’attirer les humains et leurs idées sur le terrain de l’action, s’atteler à galvaniser les énergies et à leur montrer que la partie est jouable. Qui doit s’employer à prêcher par l’exemple. Il ne doit pas ménager ses efforts pour faire en sorte que les idées, les informations, les ressources financières et les énergies humaines fassent corps dans l’action.
A l’Etat développeur, qui crée l’environnement politique, juridique et institutionnel qui convient, garantit les conditions d’une véritable vie économique et sociale, qui suscite la confiance active des uns et des autres, il revient d’identifier nos atouts, nos potentialités de toutes sortes à des fins de valorisation responsable, profitable à tous.
Ces potentialités, contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire ici et là, contrairement à la mauvaise foi de certains et à la facilité d’autres, ne manquent pas. Nous ne pouvons douter des possibilités que nous offre notre pays.
C’est ainsi que notre vocation de plaque tournante économique régionale n’est pas une illusion. C’est une donnée palpable liée à notre situation géographique et culturelle privilégiée. Il nous est avantageux d’être situés entre l’Arabie et l’Afrique, en bordure de la Mer Rouge, une voie commode de communication entre les habitants de ses deux rives, en particulier sur le plan commercial. Aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps, cette étendue d’eau bleue a toujours permis des échanges entre les deux régions, entre l’Afrique orientale et l’Arabie. Il en est toujours ainsi. Il suffit de considérer le nombre de navires qui vont et viennent entre les deux rives. Bestiaux, café et autres produits est-africains prisés traversent la Mer Rouge vers les consommateurs de la Péninsule arabique. Des marchandises locales ou de réexportation, manufacturées ou non, viennent en sens inverse.
Il y a là des flux dans lesquels nous pouvons jouer un rôle à la hauteur de notre position d’interface. Nous pouvons non seulement accroître notre part de marché dans ce commerce, mais contribuer à l’amplifier.
Nous sommes adossés à un véritable hinterland riche à la fois en produits d’exportation et en besoins d’importation. L’économie éthiopienne est l’une des plus prometteuses de la sous-région. Même si elle ne gagne pas aux tensions avec l’Erythrée, à l’intervention en Somalie et aux problèmes internes liés aux frustrations de certaines communautés nationales. Plus loin, des pays enclavés comme l’Ouganda, le Burundi ou le Rwanda, ne seraient pas mécontents de trouver plus près de chez eux ce qu’ils vont chercher au loin. Au-delà, c’est tout un pan du marché d’Afrique que nous capterions.
Il est tout à fait possible de réaliser une grande zone franche de ce côté-ci de la Mer Rouge. C’est une question de volonté politique et de suite dans les idées. Faire de Djibouti et de ses équipements portuaires et aéroportuaires un grand centre d’éclatement régional est chose possible. Centre de réexportation de produits venus d’ailleurs au moindre coût. Centre détaxé de production locale par une industrie légère tournée vers l’exportation. Centre d’échanges divers. Nous pouvons, à force d’efforts et de persévérance, valoriser la place de Djibouti et lui faire jouer son rôle de trait d’union économique entre les deux rives de la Mer Rouge. La célèbre formule «Djibouti, terre de rencontres et d’échanges» peut enfin se traduire dans les faits et recevoir un contenu digne d’elle et du pays.
De plus, ce rôle d’interface entre la Péninsule arabique et l’Afrique de l’Est peut, et doit, être amplifié par un autre privilège nôtre. Celui que nous confère le fait que la Mer Rouge est aussi l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde. Nous sommes posés sur une voie qui ne relie pas seulement l’Afrique et l’Arabie mais la Mer Méditerranée et l’Océan Indien. Nous sommes entre le Canal de Suez, point d’accès privilégié au bassin méditerranéen ainsi qu’en Europe et au-delà, et l’Extrême Orient, entre deux pôles clés des échanges mondiaux.
Nous sommes sur une ligne que le boom économique de Chine et d’Inde, ces colosses à la croissance économique accélérée, stimule. Les rives de la Mer Rouge intéressent ces marchés en quête de sources d’approvisionnement et de débouchés commerciaux. Les matières premières d’Afrique et d’Arabie ainsi que leurs consommateurs, sont une cible non négligeable dans les plans des géants économiques en devenir accéléré que sont la Chine et l’Inde.
C’est, du reste, cette position géographique avantageuse qui nous vaut l’intérêt des puissants de ce monde. C’est elle qui a attiré les Français sous nos cieux au dix-neuvième siècle. C’est elle qui explique aujourd’hui leur présence militaire, mais aussi celle d’autres pays européens. C’est par elle que se justifie la base des Etats-Unis d’Amérique. Faisons-la fructifier en termes économique et social.
Devons-nous souligner à nouveau que cette vocation naturelle est d’autant plus exploitable et optimisable que les infrastructures de base, telle la chaîne des transports, ne nous font point cruellement défaut ?
Le port de Djibouti, création coloniale, est l’un des mieux placés et plus modernes de la région, notamment avec son terminal à conteneurs qui est l’une des rares réalisations sérieuses ayant vu le jour depuis l’Indépendance du 27 juin 1977. Il accueille, depuis l’éclatement de la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée, en 1998, l’essentiel du trafic éthiopien. Cela a fait littéralement exploser son chiffre d’affaires. Il est passé d’un peu plus de trois milliards et demi en 1997 à treize milliards en 2005. Un coup d’œil sur les camions poids lourds qui se bousculent sur l’étroite Route nationale n°1, se pressent sur la grande aire de stationnement du Point Kilométrique 12 (PK12) ou à l’entrée de l’enceinte portuaire, suffit à s’en persuader. Ils acheminent toutes sortes de marchandises vers les hauts plateaux éthiopiens, depuis les articles manufacturés jusqu’aux produits pétroliers, en passant par les engrais et autres entrants en production. Ils n’en reviennent pas vides : l’Ethiopie exporte, et pas seulement du café.
Nous jouons aussi un rôle de port de transbordement. De grands navires transfèrent, chez nous, tout ou partie de leur cargaison à des bateaux de moindre taille que l’on appelle des caboteurs parce qu’ils naviguent près des côtes. Ce transbordement est rendu nécessaire par le fait que des marchandises destinées à différents pays de la région sont regroupés aux ports d’embarquement pour des raisons évidentes de coût (un seul voyage pour l’ensemble revient bien moins cher qu’un transport pour chaque destination). Ces produits sont déchargés au port le mieux placé par rapport aux différentes destinations régionales. Le mieux placé mais aussi le mieux équipé.
Pareillement, le port de Djibouti ne manque pas d’infrastructures pétrolières afin de servir de dépôts de carburant, ce qui lui permet notamment d’assurer un service de ravitaillement en pétrole pour les navires. C’est un argument solide pour attirer les bateaux. Sans ces infrastructures, il nous serait fort difficile de jouer notre rôle portuaire. Même les bâtiments de guerre en pâtiraient : en dépit de l’autonomie accrue qu’autorise la marine moderne, les flottes (navires et aéronefs intégrés), y compris les plus puissantes, ont besoin de se ravitailler à un moment ou à un autre de leurs missions, surtout lorsque celles-ci sont de longue durée.
Ces mouvements de navires peuvent du reste créer des activités annexes non négligeables. Nous pensons à l’avitaillement, qui est le pendant alimentaire de l’approvisionnement en pétrole, à la maintenance dont le carénage, au transit, à la manutention, ou encore à l’agence maritime.
Ainsi sont nos possibilités en mer. Et dans le airs, nous ne sommes pas dépourvus d’arguments. L’aéroport international de Djibouti n’est pas condamné à demeurer une simple plateforme militaire. Il a une vocation économique qui doit se valoriser par un véritable schéma d’intégration Port-Aéroport. Les clients enclavés d’Afrique de l’Est peuvent y trouver leur intérêt. C’est à nous d’être compétitifs, de les attirer par un bon rapport qualité/prix. Ce n’est point couvrir des milliers de kilomètres que de relier Djibouti à Addis-Abeba ou à Kampala, à Kigali ou à Bujumbura. Pourquoi ne pas alors combiner, habilement, cette proximité géographique et les courts délais de mise à disposition qu’elle permet avec une politique de bas tarifs ? Pourquoi ne pas viser l’effet d’échelle qui autorise la compression des coûts ? Plus une offre est bon marché, plus elle est attractive et porteuse de clients. Il s’ensuit un effet d’échelle qui permet de réduire les coûts et de mieux manier le levier des marges.
Signalons également que le chemin de fer djibouto-éthiopien, qui relie notre capitale à Addis-Abeba, sur une distance d’environ 780 Km, confère sa part de valeur ajoutée à notre pays. Il contribue à valoriser davantage notre vocation de place portuaire et commerciale. Bon marché, ce mode de transport, qui d’ailleurs tire ses origines de l’adéquation de notre positionnement au rôle de débouché maritime pour l’Ethiopie et au-delà, est approprié à l’acheminement de masse des biens et des personnes des côtes vers l’hinterland. Il n’attend que d’être modernisé pour retrouver de sa splendeur d’antan. Un projet de modernisation du rail, qui a reçu le concours financier de partenaires au développement tels que l’Union Européenne, jaunit dans les tiroirs. Il est regrettable de voir le chemin de fer en arriver à ne plus honorer ses obligations salariales, accumuler les arriérés de salaires et finalement licencier en masse.
Au moment où l’Afrique prend lentement conscience, sous la houlette d’hommes d’Etat aux convictions ancrées, de la nécessité vitale d’accélérer son intégration économique pour aller de l’avant, le chemin de fer djibouto-éthiopien peut raisonnablement s’inscrire dans un projet de réseau ferré régional. Un cadre comme le Marché commun d’Afrique orientale et australe (COMESA : Common Market of Eastern and Southern Africa) s’y prête bien.
La route vient compléter la diversification de notre chaîne des transports. En effet, outre le rail, la mer et le ciel, des voies terrestres nous relient à nos voisins. Des axes, certes à asphalter ou à reconstruire selon le cas, s‘élancent vers l’Ethiopie, se prolongeant jusqu’à sa capitale Addis-Abeba. Le trafic éthiopien les emprunte déjà, invoquant le mauvais état où se trouve la voie ferrée. Avec la Somalie et l’Erythrée, les possibilités ne manquent point non plus. Le mouvement terrestre des biens et des personnes avec ces deux pays, qui, tout comme l’Ethiopie, nous sont étroitement liés à bien des égards, est une réalité. Il s’effectue par pistes et ne demande lui aussi qu’être développé. Il faut commencer par transformer les pistes en routes. Et c’est là un domaine où une organisation telle que l’IGAD (Inter-Government Agency for Development) a vocation à apporter son appui. Il nous en souvient, à titre d’exemple, qu’un projet de construction d’une route nous reliant à la Somalie, sur financement extérieur, a été relégué aux oubliettes par l’effondrement de l’Etat somalien. L’intérêt et les partenaires en demeurent.
Nos télécommunications sont performantes qui doivent beaucoup à un homme de vision, le regretté Youssouf Ali Chirdon, qui a eu à les diriger dès les premiers pas de l’Etat post-colonial. Elles disposent d’équipements de bon niveau. Elles recourent à la fibre optique (câbles sous-marins), aux satellites et aux faisceaux hertziens. Elles intègrent les nouvelles technologies de l’information (NTI), ne négligent pas les techniques anciennes qui ont fait leurs preuves telles que la radioélectricité. Elles nous placent ainsi au premier rang de la sous-région.
Elles nous confèrent un potentiel important en la matière, un potentiel à la hauteur de notre vocation régional de centre d’échanges. Il nous est possible, à l’échelle nationale, de démocratiser le téléphone et les nouvelles technologies de l’information telles que l’Internet. Il nous est aussi possible de rayonner vers la sous-région.
Le secteur des télécommunications est l’un des rares où abondent des cadres djiboutiens bien formés qui ne demandent qu’à servir leur pays. Ils sont maintenus dans une posture sclérosante qui ne leur permet guère de donner la pleine mesure de leurs talents. Faire valser les directions selon des considérations peu avouables à la tête de la société d’Etat Djibouti-Télécom, y faire alterner Djiboutiens et expatriés, y interférer sans cesse à des fins personnelles, puisant notamment dans les caisses comme dans ses poches, voilà qui n’est point sain.
Ce qui fait défaut ici, c’est une vision claire, une volonté politique effective. Le secteur a besoin d’être dynamisé, d’une libération des énergies et des intelligences, d’une impulsion qui redonne confiance et espoir. C’est indispensable pour que les hommes et les moyens fructifient.
Bien situés, dotés d’un fort potentiel en chaîne des transports et télécommunications, nous possédons aussi une monnaie stable, connue pour sa parité fixe avec le dollar et librement convertible. Cela, conjugué avec nos possibilités de commerce et de services, nous confère des gisements de développement financier.
Actuellement, notre système financier compte un nombre trop limité de banques, des établissements de type commercial qui ne se sentent guère incités à contribuer à l’effort national de marche en avant. Les deux principales banques privées qui opèrent sous nos cieux, la BCI (Banque pour le commerce et l’industrie) et la BIS (Banque Indosuez), rachetée par Crédit agricole, sont modernes. Elles sont contrôlées par des sociétés de niveau international et ont un savoir-faire éprouvé. Implantées de longue date, elles ont appris à tirer leur épingle du jeu et ont survécu aux faillites successives qui ont emporté plusieurs établissements plus récents. Faillites non sans rapport avec la rapacité du pouvoir en place dont les dignitaires sont prompts à emprunter aux banques sans vraiment rembourser leurs dettes. La Banque de Djibouti et du Moyen Orient (BDMO), Gulf Trust Bank, Al Baraka et la Banque de développement de Djibouti, toutes victimes de la prédation, n’ont pas eu la chance de la BCI et de la BIS.
Il n’empêche que ces deux solides rescapées se plaignent souvent des dysfonctionnements de la justice djiboutienne. Elles invoquent un stock trop lourd de créances non recouvrées par les voies de droit pour justifier leurs taux d’intérêt élevés. Intérêts mal vécus par les emprunteurs auxquels la pénurie locale de prêteurs laisse peu de choix.
Signalons, tout de même, la naissance récente de deux nouveaux établissements bancaires privés et espérons qu’ils ne mourront pas à leur tour.
Avec une politique économique digne de ce nom, qui s’appuie sur une banque nationale compétente et dynamique, une politique qui ouvre des perspectives raisonnables de croissance, avec un environnement général assaini et attractif, notre système financier peut mieux s’affirmer. Une offre d’argent diversifiée et suffisante est possible pour soutenir notre progrès économique et social. En la matière, et outre son rôle de régulation du marché financier et d’encadrement monétaire, en plus des projets à caractère public, l’Etat doit pouvoir agir où l’intérêt général l’appelle. Intervenir, non point intempestivement, mais quand il le faut et où il le faut. Il doit, par exemple, garantir, d’une manière ou d’une autre, le financement que nécessitent les créateurs et autres développeurs d’entreprise ainsi que le développement local. Il doit garantir le financement de l’accession à la propriété du logement et de certains besoins essentiels des ménages. Une vraie banque de développement, des guichets pour le logement et l’équipement des ménages, des sources de financement des entreprises, surtout des petites et moyennes d’entre elles qui peinent beaucoup à se financer, des lignes de crédit pour le développement local, un système d’assurances accessible, y compris à l‘exportation et à la réexportation, etc. etc. les pistes, voyons-nous, existent. L’Etat ne peut pas se croiser les bras face à ces urgences, il lui faut s’impliquer, quitte à passer le témoin plus tard lorsque l’initiative privée se hisse responsablement à la hauteur des enjeux.
Et les richesses de la nature ? En avons-nous ? Difficile de penser que nous en soyons totalement dépourvus, comme nous le martèle ce vieux cliché d’origine coloniale qui nous réduit au peu enviable sort de terre lunaire, sans ressources naturelles, condamnée à la canicule et à la mendicité. Cliché qu’une certaine littérature facile, en manque de sensationnel à vendre, se plait à entretenir.
Nos roches, nos eaux territoriales ainsi que nos airs, ne nous semblent point si ingrats. L’existence de gisements de ciment, de gypse, de marbre, de perlite, d’eaux minérales, de géothermie, etc. n’est pas le fruit de notre imagination. Elle est avérée.
Notre faune terrienne, marine et sous-marine est une réalité. Sur terre, de belles espèces à admirer et protéger, ailées ou non, se rencontrent. La splendeur de nos profondeurs sous-marines, c’est connu, ravit les sens et aiguise la curiosité intellectuelle. Qui les a visitées, en revient le cœur et l’esprit conquis. Notre flore, parfois riche d’essences qui plongent dans la nuit des temps, comme à la rafraîchissante forêt du Day, ne relève pas du mythe.
La force de nos vents et de nos marées ou l’ardente clarté de notre soleil prennent toute leur valeur à l’heure du réchauffement planétaire et des énergies alternatives au pétrole roi. Elles nous promettent de merveilleuses ressources en énergie. Insistons pour dire que les techniques en vue d’une exploitation réellement alternative des énergies solaire, éolienne, marémotrice et autres, progressent à un rythme accéléré sous la pression de la pollution, de l’effet de serre et des caprices tarifaires du pétrole. Que des pays aussi développés que les Etats-Unis d’Amérique ou ceux de l’Union Européenne se montrent de plus en plus décidés à développer les énergies alternatives au pétrole, que la Maison Blanche parle de désintoxiquer son pays du pétrole, pour reprendre une formule employée au plus haut niveau de l’administration fédérale, voilà qui n’est pas mauvais signe. Le « business as usual », ne peut plus durer dans le domaine de l’énergie.
Et ce n’est pas fini, car nos vingt-trois mille kilomètres carrés n’ont pas encore livré tout ce qu’ils recèlent. Ils attendent que leurs filles et fils les investissent, en explorent tous les coins et recoins, en découvrent les secrets. Ils attendent leurs enfants pour s’ouvrir, telle une femme aimante aux bras de l’élu de son coeur. Ils nous attendent.
Notre cas ne nous paraît donc point désespéré au sein de la mère nature. Des gisements d’emplois et de revenus, des créations de richesses, nous y attendent. Il nous faut les exploiter en bon père, ou bonne mère, de famille.
Il s’agit de commencer par valoriser le connu, tout en poursuivant les recherches du moins connu. Exploitons intelligemment les ressources mises au jour. Le faire dans le respect de la nature, de l’avenir et de l’intérêt général. Exploitons nos eaux minérales, notre ciment, notre gypse, notre perlite, notre énergie de la géothermie, etc. Exploitons-les dans les meilleures conditions, en usant des technologies les plus adéquates, avec, quand il le faut, les partenaires les plus intéressants. Ne bâclons rien comme le fait le régime actuel, ne gaspillons point les opportunités.
Mettons en valeur, dans le même mouvement, nos savoir-faire ancestraux. Cessons de regarder le traditionnel comme étant sans intérêt, comme du dépassé. Bien des objets de la tradition conservent leur utilité et sont économiquement valables. Sachons qu’à la fonctionnalité, le traditionnel ajoute le charme de son originalité, la marque de son temps, la valeur de sa rareté. Ce sont des arguments qui séduisent, et pas seulement les touristes. Ils ne laissent pas indifférents les consommateurs lassés du tout moderne, ou simplement soucieux de différenciation, qu’ils soient locaux ou étrangers. Et, à l’heure du bio et du commerce équitable, il y en a de plus en plus à travers le monde. Développons donc notre artisanat, faisons-en un secteur à part entière, capable de fournir travail et rémunération. Une multitude d’objets aussi usuels que beaux peuvent ressurgir de nos mains. Des innovations développantes peuvent jaillir de nos talents. Lançons-nous, investissons dans l’héritage ancestral. Cela ne nous fera que du bien.
Dans le même esprit de valorisation, élevons mieux nos caprins, ovins, bovins et autres camélidés. Apprenons à pratiquer un élevage plus moderne, moins agressif pour l’environnement. Pratiquons un élevage mieux maîtrisé, moins soumis aux aléas de la nature. Et de ce point de vue, n’hésitons pas à aller voir comment font les autres avec des conditions naturelles similaires ou proches des nôtres. Il nous faut parvenir à ce que nos pasteurs vivent de leur labeur, mènent une existence moins précaire. L’élevage doit devenir un moyen plus fiable de subsistance sous nos cieux.
Ne négligeons point l’agriculture. En dépit de nos origines nomades, nous possédons un certain savoir-faire. Nous savons cultiver, produire des plantes demandées par les consommateurs. Certains d’entre nous, au Nord comme au Sud, pratiquent le maraîchage, font pousser des arbres fruitiers. Développons donc nos capacités agricoles partout où cela est possible, faisons-le avec le souci de la compétitivité, c’est-à-dire à coût raisonnable.
Tournons-nous aussi vers les produits de notre mer. La pêche dans nos eaux peut donner lieu à une exploitation responsable qui réponde aux besoins du marché local et même viser l’exportation. Exploiter l’existant marin et sous-marin sans le détruire et compromettre l’avenir. L’utiliser tout en l’améliorant par un réel intérêt pour la pisciculture. Il faut ici mener une action conséquente de formation, de professionnalisation et de soutien au lancement et au développement des micro-entreprises.
Développons le tourisme. Développons-le avec le souci de l’équilibre écologique, de la protection de l’environnement physique et culturel. Offrons un tourisme, non de masse et partant destructeur, mais contrôlé. Offrons un tourisme qui allie culture et couleurs, richesse humaine et attractions physiques. Dans un pays comme le nôtre, marqué par une riche tradition du mouvement, où la sédentarité s’invite à travers la modernité, dans un pays aux paysages si variés et originaux, où la montagne côtoie la plaine et la mer, où les vestiges d’un passé immémorial se mêlent aux signes avant-coureurs d’un futur lointain, au pays du Lac Assal et du Lac Abbé, des Grand et Petit Bara, des cascades d’eau de Bankoualé et des plages de sable blanc, au pays où le bruissement de la verdure sait s’effacer devant le besoin de silence et de solitude, un autre tourisme que les sentiers battus est possible. Donnons-le à savourer.
On le voit, nous développer est tout à fait possible. C’est une affaire de volonté politique et de claire vision.
C’est loin des errements du pouvoir en place, de la gestion au jour le jour. Loin de la prédation et de la confiscation avide.
Aujourd’hui, l’on a beau chercher les lignes d’une politique de développement, rien de sérieux ne se laisse percevoir. Ce que l’on voit, ce sont des initiatives décousues bien plus motivées par des considérations personnelles d’ordre sonnant et trébuchant que par un souci de développement. Comme nous le savons, l’on ne compte plus les projets sans lendemain, mort-nés ou de courte existence. On sait ce qu’il est advenu du projet à milliards de la géothermie ; des unités industrielles (Laiterie de Djibouti, Usine des Aliments du bétail, Eaux de Tadjourah) ; des projets agricoles dits pilotes du PK20, de Mouloud et d’ailleurs ; des ports de pêche de Djibouti-ville et d’Obock ; du projet de recyclage des ordures de Doudah. On sait comment sont gérées les initiatives plus récentes d’Ali-Sabieh (Eaux d’Ali-Sabieh, Unité de marbre). On voit ce qui reste des promesses grandiloquentes de Doraleh (on attend encore le super-complexe formé d’un port pétrolier, d’une zone franche et d’un terminal à conteneurs).
Et quand, beaucoup plus rarement, cela marche par la force choses, ce n’est guère au bénéfice du peuple. Illustration en est fournie par notre port. Comme nous l’avons dit plus haut, depuis 1998, la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée en a fait exploser le niveau d’activités. Mais qu’en est-il des retombées ? Elles sont très peu perceptibles sur la vie des Djiboutiens. En dehors d’environ deux centaines d’emplois, plus ou moins précaires, comme le montre la précarité réservée aux 156 agents de sécurité, l’impact se fait attendre. Pourquoi ? Par manque de volonté politique, de souci de l’intérêt général. L’outil portuaire est accaparé par le pouvoir en place qui en a confié la gestion à une équipe de ses amis de Dubaï Ports International (DPI). Il l’a fait en 2000 par un contrat dit de gestion dont le chef du régime, Ismaël Omar Guelleh, son ami et homme d’affaires Abdourahman Mohamed Mahamoud Boreh, sont les seuls, avec les gens de DPI, à connaître les clauses. Alors même qu’il s’agit d’un élément capital du patrimoine national et qu’il est soumis au contrôle public.
Dans la même logique confiscatoire, l’aéroport international de Djibouti, que notre position stratégique ne dessert pas non plus, est victime de la mal-gouvernance au pouvoir. Il a été lui aussi, en 2002, placé sous contrat de «gestion» avec le même DPI. Dans les mêmes conditions d’opacité totale.
Electricité de Djibouti (EDD), l’Office National des Eaux de Djibouti (ONED), Djibouti-Télécom, etc. sont autant d’autres exemples de gestion personnelle des affaires publiques.
C’est dire si l’argent va ailleurs qu’à bon port.
C’est donc de véritables serviteurs publics, capables de tirer les êtres et les choses vers le haut, que nous avons besoin. Il nous faut un autre Etat que l’instrument d’oppression et d’enrichissement illicite actuel. Nous voulons un Etat développeur. Osons nous le donner.
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UNE PERCEPTION ERRONEE DE L’ETAT DEPUIS LA PERIODE COLONIALE
L’Etat moderne, tel que nous le voyons fonctionner à travers l’Afrique et le monde, avec plus ou moins d’appropriation, et donc avec plus ou moins de succès, est, sur nos contrées, un phénomène récent de provenance occidentale puisqu’il nous est parvenu dans les bagages de la colonisation.
Pour contrôler au mieux les lointains territoires et peuples soumis, les puissances européennes ont en effet recouru à leur modèle d’organisation politique et économique pour le plaquer sur ces sociétés, pour lesquelles cette rencontre n’a pas été, c’est le moins qu’on puisse dire, sans impact. Les colonisateurs ont ainsi créé des villes, cadre géographique de base pour l’Etat moderne, afin d’y déployer le dispositif de sécurité et les services de l’administration, indispensables au projet colonial, quel qu’en soit l’habillage idéologique.
Cela a fait que c’est d’abord sous ses aspects administratif et sécuritaire (l’armée sera progressivement complétée par un mini-appareil judiciaire et une force de l’ordre) que l’Etat colonial est apparu chez nous.
Il n’apparaîtra que plus tard un début de vie politique pour tenir compte du réveil des peuples colonisés, qui, surtout au lendemain des deux Guerres Mondiales durant lesquelles colonisés et colonisateurs auront combattu et souffert ensemble, se radicaliseront dans la revendication de leurs droits.
Extérieur dans ses origines, l’Etat colonial nous était aussi étranger dans sa finalité profonde qui en faisait un instrument au service des intérêts des puissances occupantes. De sorte que la perception, par les populations autochtones, de l’idée même d’Etat (dans sa version moderne, s’entend) et de celle sous-jacente de pouvoir étatique et de puissance publique, en était faussée. Cet Etat leur apparaissait, d’un côté, comme un phénomène abstrait aux règles complexes, et partant difficile à appréhender selon les schémas traditionnels d’analyse de la vie collective, et, de l’autre, comme une réalité concrète dispensatrice de privilèges pour ses détenteurs-les colonisateurs et leurs alliés locaux- et oppressive pour les autres, les masses indigènes.
C’est dans le cadre d’un tel Etat dévoyé, de cet Etat instrumentalisé à souhait, que nos premiers hommes politiques, auront fait leurs classes et acquis leur culture politique.
C’est aussi cet Etat-là qui nous sera légué plus tard, au moment de la décolonisation.
Or si, pour des raisons évidentes de nécessité pratique, nous devions conserver l’Etat colonial, il n’en demeurait pas moins impérieux de le repenser en fonction des intérêts des peuples émancipés. Le repenser notamment par la redéfinition claire de ses objectifs- gérer les affaires de la collectivité nationale dans l’intérêt bien compris de ses membres, œuvrer au plein épanouissement de la première comme des seconds- et corriger ainsi la perception du phénomène étatique dans les cœurs et les esprits.
C’est dire si la question devait faire l’objet du premier débat national du peuple souverain et déboucher sur un consensus fondateur.
Il n’en fut rien et ce fut lourd de conséquences puisque nous en vivons les effets jusqu’à nos jours.
A Djibouti, comme sous d’autres cieux, le nouvel Etat, issu de l’Indépendance, n’a pas seulement continué celui colonial, il l’a aggravé. Dans les textes, mais surtout dans la pratique du pouvoir, il a débouché sur une caricature d’Etat. Tout s‘est articulé autour de la personne du chef, devenu ainsi l’Etat. Ou, pour le dire autrement, L’Etat s’est réduit à un homme et à son système fondé sur l’exclusion. Ce qui ne pouvait bien entendu corriger la perception populaire façonnée par la colonisation.
Les autochtones qui se sont retrouvés aux divers rouages du nouvel Etat, se sont rarement illustrés par leurs compétences techniques ou par la hauteur de leurs vues. Ils n’ont pas su se hisser au-dessus des logiques sectaires. Ils se sont identifiés ou soumis au chef suivant la distance tribale à sa personne. En le chef, ils voyaient, non un simple détenteur d’un mandat populaire, et partant responsable devant le peuple souverain, mais plutôt le successeur omnipotent du puissant gouverneur colonial, avec ce que cela signifie d’abusif et de malsain.
Proche du chef, proche du butin laissé par le colonisateur, tel semblait être le maître mot pour la plupart des commis du nouvel Etat. D’où la course aux postes et autres privilèges. Très courant, le « Je veux une belle villa, une grosse voiture, un budget substantiel » !
A cette situation, le peuple souverain, lui-même peu averti de la problématique étatique moderne, comme de ses propres prérogatives, et qui n’est pas sorti indemne du long diviser-pour-régner colonial, n’a pas réagi comme il le fallait.
Pour leur part, les rares personnalités éclairées n’avaient pas assez d’influence dans les cercles de décision pour bâtir une République digne de ce nom.
Le premier ministre, le regretté Ahmed Dini Ahmed, démissionnait dès décembre 1977, pour marquer son opposition à une dérive autoritaire qui se manifestait déjà et instrumentalisait la diversité ethnique.
Cependant, tant qu’il disposait de ressources matérielles suffisantes, auxquelles l’aide extérieure, notamment de l’ancienne puissance coloniale et de quelques autres pays amis ou frères (arabes et autres), contribuait grandement, l’Etat vicié parut fonctionner. En réalité, il fonctionna en vache à lait pour son maître et ses clients, livrant la majorité silencieuse aux miettes ou à la misère.
Cette situation ne pouvait, l’on s’en doute, perdurer, et le pouvoir allait avoir à s’inquiéter.
Sous les assauts de l’injustice, de la prédation et de la mauvaise gestion, la déception populaire commença à se faire jour. Le régime, d’autant plus paniqué que les opposants ne manquaient pas, se réfugia alors dans la fuite en avant et dans le durcissement. Il créa dès 1979 le mal nommé Rassemblement populaire pour le progrès (RPP), mettant, de facto, fin au pluralisme politique et aux libertés publiques. Dans la foulée, en 1981, le système du Parti Unique était officiellement imposé par une loi dite de mobilisation nationale.
Cela n’arrangea évidemment rien et eut plutôt pour effet d’accélérer la dégradation publique et le mécontentement populaire.
Le ras-le-bol des Djiboutiens allait s’exprimer de façon spectaculaire à la faveur du vent planétaire de démocratisation né de l’effondrement du bloc communiste de la fin des années 1980. Le conflit armé de 1991 opposant les combattants du Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie (FRUD) aux troupes gouvernementales et l’action de l’opposition civile menée par le père fondateur du premier et principal parti légalisé non gouvernemental, le Parti du Renouveau Démocratique (PRD), le regretté Mohamed Djama Elabé, allaient remarquablement illustrer cette contestation d’autant plus vive que longtemps étouffée.
Sous la pression des événements, le président Hassan Gouled Aptidon se verra contraint d’octroyer, en septembre 1992, la première Constitution du pays depuis l’Indépendance. Il en résultera une timide ouverture démocratique que le régime, qui abhorre la liberté et ses effets bénéfiques, s’acharnera à supprimer dans les faits.
Au plan économique, le pays passera sous les fourches caudines du Fonds monétaire international et de son programme d’ajustement structurel (PAS), engagé en désespoir de cause en 1996. Mohamed Djama Elabé n’était plus au gouvernement pour venir à la rescousse de finances en piteux état !
Se sentant libre de conduire comme il l’entend les prescriptions du FMI, le gouvernement, loin de remettre en cause ses habitudes de prédation, a fait en sorte de ne pas desservir ses intérêts. S’il s’est, en effet, jeté à bras raccourcis sur les agents de l’Etat, les appauvrissant par des réductions salariales drastiques dépassant les 30 %, il a laissé perdurer ses pratiques néfastes : opacité, promesses et projets sans lendemain, corruption, népotisme, incurie, etc.
L’arrivée au pouvoir en mai 1999 du successeur de l’inamovible président Hassan Gouled Aptidon, en la personne de son neveu Ismaël Omar Guelleh, imposé par lui au crépuscule de sa vie, n’a pas marqué un tournant. Le système a continué de plus belle. Il a aggravé ses méfaits et menace sérieusement la survie collective.
Aujourd’hui, bien que l’argent afflue au pays (le port en génère beaucoup, la base française rapporte 30 millions d’euros par an, celle des Etats-Unis d’Amérique pas moins de 15 millions de dollars US, un dollar valant près de 178 francs Djibouti, sans parler des dépenses induites, des prêts et aides en tous genres), que la masse salariale grève bien moins le budget de l’Etat, les difficultés n’ont jamais été aussi graves pour le plus grand nombre. 75 % des six à sept cent mille Djiboutiens connaissent la pauvreté selon une récente étude financée par le PNUD et publiée en juillet 2004, chiffre sans doute encore plus élevé au jour d’aujourd’hui. Le chômage est tout simplement indescriptible : 70% selon les chiffres officiels. Les tarifs des denrées alimentaires de première nécessité et autres produits de base n’en finissent pas de grimper. L’électricité s’est tout simplement indexée sur le cours du pétrole, sans pour autant être plus fiable. L’eau de la capitale est devenue peu potable : elle ne répond plus aux normes de l’Organisation mondiale de la santé, nous expliquent certains experts. De sorte que certains d’entre nous, qui le peuvent encore, ne la boivent plus. La jeunesse se retrouve à l’abandon, les écoles en perdition. La santé relève non seulement du mouroir mais elle est payante. Le SIDA nous décime dans l’indifférence. L’insécurité fait couler régulièrement notre sang. Tout comme la répression. Et, signe des plus éloquents, la fuite hors du pays des énergies et des intelligences est une réalité…
Oui, la sécheresse rurale et urbaine a continué de plus belle sous Ismaël Omar Guelleh. Elle a continué de se généraliser et de se faire dévastatrice.
C’est que les promesses économiques et sociales ronflantes, faites par celui que manifestement rien prédestinait à d’aussi hautes responsabilités, n’ont pas été tenues. Soit elles ont revêtu la forme de projets juteux pour les profiteurs mais sans lendemain pour le plus grand nombre, soit elles en sont restées aux mots.
Il en va de même dans le domaine de la liberté et de la démocratie. La promesse de paix et de démocratie n’a pas été traduite dans les actes. L’accord de paix et de concorde civile signé le 12 mai 2001 avec le FRUD du regretté Ahmed Dini Ahmed n’a pas été respecté. Le verrouillage politique reste total, le contrôle de l’Etat par Ismaël Omar et son système à 100%, et les bruits de bottes sont à nouveau perceptibles au Nord du pays.
A l’évidence, le pouvoir en place n’a ni la mentalité, ni la volonté politique, ni la capacité de redresser la situation et de construire une société juste, libre et fraternelle.
REDECOUVRIR L’ETAT ET LE REPENSER AU SERVICE DE LA SOCIETE
Voilà dans quel contexte national, à travers le Mouvement pour le Renouveau démocratique et le Développement, nous prenons à cœur de proposer aux Djiboutiennes et Djiboutiens d’en finir avec les errements anciens et de réhabiliter l’Etat et la chose publique. Le projet de re-fondation que nous soumettons à l’attention du peuple djiboutien dans son ensemble, s’articule en effet autour d’un Etat repensé au service d’une société juste, libre et fraternelle, en paix avec elle-même comme avec l’Autre, et soucieuse de son développement harmonieux.
Repenser l’Etat passe d’abord par la réappropriation du concept d’intérêt général qui fonde l’idée d’Etat et, par voie de conséquence, la notion de service public (activité d’intérêt général, s’entend).
Les ruraux d’origine (pasteurs nomades et autres) que nous sommes savent bien que la vie en collectivité suppose des règles, un code de conduite admis et respecté de tous pour le bon fonctionnement de l’ensemble.
Nous savons que garantir la marche harmonieuse de la collectivité, c’est garantir l’intérêt général, l’intérêt de tous, sans lequel il ne peut décemment y avoir d’intérêt particulier.
De là notre Xeer, Cafareh ou Curuf (termes désignant notre code coutumier respectivement en langue somalie, en afar et en arabe), patiemment élaboré par la sagesse clairvoyante de nos ancêtres et sans lequel les communautés composant aujourd’hui le peuple djiboutien n’auraient traversé les siècles. Les règles de droit régissant les rapports entre les individus membres de la communauté traditionnelle, et qui contribuent aux relations avec les autres communautés, les organes communautaires de représentation politique tels que l’Ougas (titre que porte le chef suprême de la communauté pour certaines composantes djiboutiennes), le Sultan ou l’Assemblée des Sages, pour ne citer que ces aspects du Xeer, démontrent clairement la nécessité, et le besoin consubstantiel ressenti par nos pères fondateurs, d’un minimum d’organisation collective. Ces règles et ces organes, reflet du pacte communautaire, témoignent du souci de l’intérêt général. L’on peut dire qu’ils incarnent, à l’échelle de la communauté, un embryon d’Etat.
Le caractère volontairement dépouillé de l’organisation de la vie collective traditionnelle n’enlève rien à sa valeur, ni à son efficacité. Que cette organisation tranche avec la complexité du phénomène étatique moderne, s’explique par la nature même de la société traditionnelle. Elle est de type rural et pastoral, s’articule autour du lien communautaire (ethnique, tribal ou clanique) et vit selon un mode qui commande sobriété et économie des moyens. En dehors du Xeer, des solidarités et des organes qu’il prévoit (Ougas, Sultan, Assemblée des Sages, etc.), les biens communs partagés par les membres de la communauté traditionnelle, sont limités. Ils essentiellement l’eau (le puits) et la terre (le pâturage).
A l’inverse, la collectivité moderne est sédentaire et fondamentalement urbaine, c’est-à-dire bien plus concentrée dans l’espace. Le nombre d’individus en une portion donnée (village, ville) y est bien plus élevé que dans le système traditionnel d’occupation des sols fondé sur le campement pastoral ou son équivalent agricole. Cela engendre bien plus de besoins et requiert bien plus de moyens. La vie en société moderne requiert des moyens infrastructurels, économiques, sociaux, sécuritaires et autres peu familiers à notre monde traditionnel.
De plus, à la différence de la brousse, où les communautés occupent l’espace selon un découpage qui assure à chacune d’elles la prépondérance sur une partie du territoire global, et donc une certaine autonomie, l’agglomération urbaine est par excellence le lieu du rassemblement intercommunautaire, où coexistent les membres des différentes communautés traditionnelles, avec les exigences, les mutations et les difficultés inhérentes.
Soulignons déjà que cette co-existence est plus ou moins douce suivant les circonstances (par exemple, la colonisation et l’obscurantisme politique post-colonial ne sont pas propices à l’enracinement unitaire) mais aussi selon le degré de l’aspiration collective à transcender les rivalités traditionnelles et à se penser en ensemble national.
La ville, ce symbole de l’Etat moderne, est aussi le lieu de l’ouverture à l’extérieur, c’est-à-dire à la scène internationale, qui a ses propres règles et joue un rôle sans cesse accru dans la vie des Etats et des nations. Tant le monde des humains s’interpénètre, sous l‘influence des progrès techniques, des intérêts et de l’évolution des mentalités.
En fait, ce sont les enjeux inhérents à la formule de vie collective qui déterminent simplicité organisationnelle et sobriété matérielle en notre brousse, complexité et grande consommation de moyens en milieu moderne.
Il ressort de ce qui précède que, contrairement à certaines sirènes, notre rencontre avec la notion d’intérêt général dans le cadre de la société moderne, où elle fonde le concept d’Etat, comme principe d’organisation politique de la collectivité, relève plutôt des retrouvailles. Puisque, comme rappelé plus haut, cette notion fait bien partie de notre héritage traditionnel commun. Pour le dire en d’autres termes, l’Etat moderne, au-delà des circonstances historiques de son apparition sous nos cieux, n’est, au fond, que l’enfant de cette bonne vieille notion d’intérêt général si chère à notre Xeer, Cafareh ou Curuf.
Cet Etat s’incarne dans ses institutions : judiciaire (justice), législatif (parlement), exécutif (présidence de la République, gouvernement, administration, armée, police). Sans oublier les collectivités locales quand il y en a. Ces organes, ce sont, bien entendu, des femmes et des hommes, membres de la communauté nationale, qui, directement ou indirectement, sont mandatés par cette dernière pour les faire fonctionner.
Or l’intérêt général, cette mère de l’Etat, est, on ne le répétera jamais assez, l’affaire de tous. C’est l’intérêt de tous, qui garantit les droits et les devoirs de chacun ainsi que le pérennité de la collectivité.
De là, l’exigence démocratique qui fait émaner du peuple souverain le pouvoir d’Etat, c’est-à-dire les prérogatives de puissance publique. Quoi d’ailleurs de plus normal que ce soit le peuple dont il est censé servir l’intérêt (général), qui, après l’avoir fondé (par un acte souverain transcrit dans une charte Nationale, une Loi Fondamentale ou une Constitution, selon la terminologie employée), investisse les organes de l’Etat de son pouvoir selon les modalités qu’il fixe ?
L’Etat n’est donc ni quartier de viande (cad en somali) ni quelque autre butin à arracher à son profit exclusif, en dépit de ce que puisse suggérer la pratique prédatrice du pouvoir politique par des gouvernants sans véritable culture publique.
Si l’Etat est la conséquence de l’intérêt général, il en est aussi le garant. Il lui revient de garantir l’Indépendance nationale, la cohésion du corps social, le respect de la loi et de la liberté (démocratie), le progrès harmonieux du pays.
La question se pose alors, à ce stade de l’analyse, de savoir ce que commande concrètement, sur le terrain, l’intérêt général aujourd’hui. En quoi doit-il consister dans le milieu urbain moderne où nous évoluons de plus en plus de nos jours ?
L’intérêt général commande d’abord, au plan de l’intellect comme de l’affect, la prise de conscience des changements, des ruptures comme des permanences, que notre nouvelle vie en collectivité urbaine, par définition plurielle et ouverte, implique par rapport au milieu traditionnel rural. L’horizon ethnique ou clanique traditionnel doit s’enrichir ici d’une nouvelle dimension, d’un nouveau sentiment, celui d’appartenance à un ensemble plus grand que la communauté d’origine, qui est l’ensemble national. Ensemble qui se doit de fédérer et d’intégrer nos communautés traditionnelles qui certes coexistent depuis longtemps mais sans véritable implication dans un réel projet national.
La nouvelle appartenance, cette appartenance supérieure, porte un nom qui doit résonner en nous : la citoyenneté djiboutienne. Laquelle doit s’enraciner dans les cœurs et les esprits. Elle doit déboucher sur une claire conscience nationale.
Il nous est impérieux de prendre conscience que, si en venant nous mêler dans les agglomérations de ce qui allait devenir la République de Djibouti, nous étions Afars, Arabes, Somalis ou autres, ayant généralement en partage un certain nombre de choses fortes tels que le milieu naturel, le mode de vie rural, des éléments culturels, des traits physiques ou l’Islam, pour ne citer que ces aspects, nous sommes désormais membres d’une communauté nationale, citoyens d’un pays, engagés dans un exaltant destin commun. Il nous faut saisir, au plus profond de nous, que nous avons acquis une richesse dynamique qui nous ouvre d’immenses perspectives et nous invite à une formidable aventure collective.
A l’évidence, cette prise de conscience ne peut se concevoir sans la vie concrète. Elle ne peut véritablement s’opérer sans contenu, sans incitation du vécu. Pour favoriser la prise de conscience, l’intérêt général commande à notre nouvelle vie collective de résolument privilégier l’adhésion, la concorde, le progrès harmonieux. Les membres de la communauté nationale, les Djiboutiens, qui ont nécessairement les mêmes droits et les mêmes devoirs, doivent se voir traités sur le même pied d’égalité. Ils doivent recevoir les bonnes réponses à leurs attentes. A commencer par la satisfaction des besoins. Besoins de travail, de logement, de santé. Besoins d’éducation, de culture, de sécurité. Besoins de liberté, de respect, de justice. Besoins de participation à la vie collective, d’identité, d’épanouissement. Etc.
Il s’agit, voyons-nous, de nous faire saisir, de nous faire mieux appréhender, de nous faire assimiler, les enjeux du «être ensemble» moderne à l’expérience de la vie concrète.
C’est donc à une redécouverte concrète et constructive de l’Etat que nous vous invitons, une redécouverte que nous souhaitons heureuse et susceptible de profondément réconcilier les Djiboutiens. Les réconcilier avec eux-mêmes, en dépassant les logiques sectaires handicapantes que cultivent ces êtres égoïstes et incapables que sont les politicards. Les réconcilier avec l’Etat moderne.
Nous sommes pour une redécouverte qui replace l’Etat à sa juste place, au service de tous, loin de l’exécrable pratique actuelle du pouvoir et du spectacle de la prédation effrénée. Pour une redécouverte qui nous permette de reconquérir notre dignité de peuple adulte, en mesure de décider de son destin.
Nous sommes pour un Etat repensé dans ses objectifs et dans sa finalité profonde. Pour un Etat qui nous aide à bâtir une société juste et fraternelle, prospère et ancrée dans ses valeurs fondamentales, en paix avec elle-même comme avec l’Autre. Pour un Etat, en clair, qui nous permette de rattraper le rendez-vous manqué de l’édification.
Cet Etat-là passe par des missions essentielles clairement affirmées et par une pratique publique bâtisseuse.