L’un des aspects frappants de la vie économique djiboutienne est, avec son niveau insuffisant de développement et la faible redistribution de la richesse, la cherté de la vie. Le coût de la vie est si élevé à Djibouti, y compris pour les denrées de première nécessité, que le pays figure parmi les plus chers au monde. Et cela aggrave forcément la pauvreté car cette cherté réduit d’autant le faible pouvoir d’achat des bas revenus.
Pourquoi, alors, la vie coûte-t-elle si cher à Djibouti ? Est-ce lié à la dépendance du pays à l’égard des importations ? Il n’est pas sûr que le fait d’importer soit la seule explication, car d’autres pays, notamment dans la région, sont dans la même situation d’importateur que nous pour bien des produits sans que cela ne fasse monter en flèche les prix desdits produits. Le niveau de la fiscalité appliquée aux importations ? C’est un facteur d'explication, mais pas toujours car même à taux d’imposition bas certains produits importés de première nécessité restent chers. Est-ce donc un problème lié aux sources d’importations ? C’est un facteur d’explication. Et les marges bénéficiaires pratiquées par les importateurs ? Elles constituent un autre facteur d’explication.
Comment, dès lors, lutter contre la vie chère ?
D’abord, il faut que les gouvernants du pays le veuillent. Il faut une volonté politique effective. Ensuite, il faut une politique d’approvisionnement appropriée à notre situation particulière d’importateur. L’État doit exonérer fiscalement les produits de première nécessité mais aussi étudier et suivre régulièrement les marchés internationaux afin de repérer les sources d’approvisionnement les plus intéressantes pour tous les produits courants. Il est tout à fait possible, par-delà le levier fiscal, de trouver un bon rapport qualité/prix si l’on fournit l’effort d’identifier les meilleures sources d’approvisionnement au regard de nos critères de qualité et de prix. Un tel effort n’est pas difficile à consentir : il suffit de former un personnel qualifié, de le rémunérer décemment et de le doter de moyens de travail adéquats. Fort de cette base informative, l’État doit encore sensibiliser les importateurs aux bonnes pratiques de gestion, fixer des prix plafonds à surveiller par l’administration pour les denrées de première nécessité et se doter en la matière d’un stock stratégique de sécurité et de régulation du marché local.
Rappelons que l’idée de surveillance tarifaire des produits de première nécessité et de stock stratégique n’est pas nouvelle dans notre pays où, pour ces denrées, un service de contrôle des prix et un dispositif de magasins témoins ont été mis en place sous l’administration coloniale. Ils ont été maintenus à l’Indépendance. Les magasins témoins ont même été transformés en un Office national d’approvisionnement et de commercialisation (ONAC). Grâce à ce dispositif, disparu il y a des années sous l’effet de la mauvaise gouvernance, la vie était moins chère à Djibouti.
Aujourd’hui, il faut aller plus loin et, parallèlement à une plus grande accessibilité des produits importés, travailler notamment à la réduction du coût de l’énergie par le développement des énergies nouvelles et renouvelables (solaire, éolienne, géothermique, marémotrice), à la réduction du coût de l’eau par une meilleure offre et une meilleure gestion, à la réduction du coût du logement et des transports en commun et à une meilleure offre éducative et sanitaire.
Faut-il souligner que réduire le coût de la vie à Djibouti est à la fois un impératif social et une nécessité économique ? C’est un impératif social, car cela permet un meilleur pouvoir d’achat, particulièrement aux faibles revenus qui n’en peuvent plus. C’est une nécessité économique car cela contribue à la compétitivité de l’économie nationale en lui offrant un moindre coût de production : salaires plus bas car vie moins chère, énergie moins chère, offre d’eau moins chère pour les activités dont c’est un facteur de production, etc. Or, on le sait, une économie plus compétitive est plus créatrice d’emplois, plus génératrice de revenus et plus réductrice de pauvreté.
Ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour la cohésion sociale que la vie moins chère et une meilleure redistribution de la richesse nationale favorisent.
Cette volonté politique se traduit notamment par les mesures récapitulées comme suit:
- Mettre en place, à des fins de régulation du marché et pour aussi longtemps que nécessaire, un dispositif public d’approvisionnement en denrées de première nécessité, avec possibilités de distribution dans des magasins populaires pour les plus démunis ;
- Diminuer ou supprimer, selon le cas, les taxes sur les denrées de première nécessité et autres produits de grande consommation ;
- Supprimer celles des taxes et surtaxes d’importation injustifiées frappant certains biens de grande consommation tels que les produits laitiers et les pâtes ;
- Développer l’offre de logements bon marché pour favoriser l’accession à la propriété du plus grand nombre ;
- Lutter contre la spéculation foncière et immobilière et raisonner l’augmentation des loyers ;
- Baisser les tarifs d’internet et de téléphone ;
- Diminuer les taxes sur les produits économes en énergie ;
- Baisser les factures d’eau et d’électricité ;
- Mettre en place un Observatoire des prix : structuration des tarifs, homologation des prix des denrées de première nécessité, suivi hebdomadaire de la situation, etc. ;
- Développer les transports non polluants et peu chers ;
- Garantir une concurrence saine entre offreurs de biens et services ;
- Veiller à l'adéquation salaire/coût de la vie