Educateur, l’Etat doit aussi protection à ses citoyens. Protéger la personne humaine, dans son intégrité physique comme dans ses biens et droits. Protéger les libertés fondamentales telles que les libertés d’expression, de réunion, d’association, de conscience, etc. Mais aussi protection par la satisfaction des besoins. Besoins d’éducation, de santé, d’emploi, de logement, de vie peu chère, d’infrastructures. Besoin de justice sociale et de solidarité avec les plus vulnérables que sont les jeunes, les femmes, les personnes âgées et les minorités. De même, protéger la culture nationale et préserver l’intégrité territoriale.
1 - Protéger la personne humaine exige l’existence d’institutions républicaines de sécurité et de justice
Il nous faut des forces de police et de gendarmerie qui soient bien formées, équipées et à l’abri des besoins. Des forces qui rompent avec les pratiques actuelles de corruption et d’inféodation au pouvoir qui en font des quasi-milices privées et ternissent d’autant leur image auprès du peuple. Des forces qui sachent qu’elles ont à protéger le citoyen, non à le soumettre à un autocrate, et qui, outre les missions traditionnelles de police administrative et judiciaire, prennent en compte le besoin de plus en plus exprimé de présence de proximité.
Il nous faut des policiers et des gendarmes compétents, responsables, proches des gens. Des agents et des officiers qui surveillent nos frontières, assurent l’ordre et la tranquillité publics, veillent à la salubrité, protègent l’expression démocratique (vote, manifestation, sit-in, marche démocratique, etc.) sans entraves ni répression arbitraires, assistent les juges en recherchant et arrêtant les auteurs d’infractions. Il nous faut des femmes et des hommes qui sécurisent la vie de tous les jours au plus près des administrés. Il nous faut, en un mot, des forces efficacement républicaines, qui nous rassurent, non nous apeurent.
Nous avons pareillement besoin d’une justice compétente et indépendante du pouvoir exécutif. Une justice qui dispose des moyens de sa mission, qu’ils soient matériels ou humains. Une justice qui recrute selon des critères objectifs de qualification, de compétence, de dynamisme et de bonne moralité, qui rémunère décemment ses membres et les prémunit ainsi des tentations négatives. Une justice qui s’appuie sur des auxiliaires à la hauteur de leurs missions, capables de répondre aux exigences légitimes du service public : agents et officiers de police judiciaire, avocats, huissiers de justice, greffiers et autres experts. Nous avons besoin d’une justice qui rende ses décisions selon la Loi et en âme et conscience, au lieu de juger suivant les injonctions de l’exécutif.
Il est vital d’en finir avec l’état désastreux de nos institutions de sécurité et de justice.
2 - La protection du citoyen passe aussi par celle des libertés publiques
La liberté d’expression, y compris celle de la presse, la liberté d’association (celle de se constituer en association, en parti politique, en syndicat, etc.), la liberté de réunion (celle de tenir des réunions privées ou publiques), la liberté de conscience, les libertés de mouvement, de commerce, etc., toutes ces libertés sans lesquelles il n’est tout simplement point de Liberté doivent pouvoir s’exercer sans entraves inutiles. Sans limites autres que celles que nécessite la vie harmonieuse en société moderne. Sans limites autres que les considérations bien comprises d’ordre public. Sans autres restrictions que celles dûment édictées par la Loi dans l’intérêt bien compris de la Nation.
3 - Protéger par l’éducation
C’est un domaine vital et prioritaire comme nous l’avons vu. Eduquer l’homme, au sens large bien entendu, c’est lui permettre de se révéler à lui-même comme à la société. C’est l’aider à cheminer, à exprimer son potentiel, à parvenir à cette existence d’être conscient et responsable qui doit être la sienne. Eduquer c’est bâtir.
En éduquant l’homme, on jette les fondations humaines du progrès collectif. Car sans têtes bien faites, sans intelligences en éveil, point de présent harmonieux ni avenir radieux.
Eduquer les jeunes comme les moins jeunes. Eduquer au sens large du terme, pour intégrer la dimension morale, socio-culturelle et citoyenne. Eduquer tout au long de la vie. Eduquer pour surmonter les aléas de l’existence.
4 - Protéger par un système de santé citoyen
Cela suppose un système performant au service de tous. Pas une médecine à double vitesse qui accueille les uns et exclut les autres, bienveillante avec les possédants et sourde aux appels des pauvres. Pas une médecine de l’argent qui fasse peu de cas de l’Homme. Nous ne voulons point de cette médecine-là qui n’a rien d’humaniste et relève de la seule logique du profit.
Notre médecine, au sens large du terme, doit être accessible à toutes et tous, aux plus modestes comme aux autres, en vertu du principe juste de l’égalité devant le service public. Elle doit obéir à des règles d’organisation et de fonctionnement claires et admises de tous.
Pour être performant, notre système de santé doit beaucoup se soucier de son capital humain, de ses professionnels. Il doit motiver au mieux ses ressources humaines, de manière à en obtenir un dévouement optimal. Ce qui passe par une bonne formation, une rémunération qui mette le personnel à l’abri des besoins, une gestion équitable des carrières, un dialogue constant et constructif, bref par un bon climat social.
Mais s’il lui faut gagner les cœurs et les esprits des professionnels, le système doit aussi intégrer le public. Il lui est vital de se faire transparent, disponible, attentif pour gagner la confiance populaire. Il doit être à l’écoute du public, l’associer à sa vie, le faire participer au débat sur son avenir. Il doit vivre et avancer avec les femmes et les hommes qui font sa raison d’être, avec tous les hommes et femmes. Et non obéir au bon vouloir d’une poignée de profiteurs qui n’ont que faire de l’intérêt général.
Un tel système sanitaire doit, en amont, faire une large place à la prévention et à l’éducation populaire pour alléger, en aval, le coût de l’indispensable couverture curative, c’est-à-dire des soins. Une population informée, sensibilisée sur les règles d’hygiène, sur la dangerosité de certaines pratiques et habitudes, sur les risques liés à tel ou tel comportement, bref une population conscientisée pour devenir actrice de la préservation de sa santé, est moins exposée qu’une autre à la maladie. Elle allège d’autant son budget curatif.
Cependant, le dispositif ne serait pas complet sans la médecine privée. Elle doit y avoir sa place, toute sa place. Mais elle doit être au diapason du secteur public et intégrer les préoccupations nationales. En d’autres termes, la médecine libérale ne peut perdre de vue que toute médecine digne de ce nom est fondamentalement humaniste. C’est une évidence mais qu’il ne nous semble point inutile de rappeler à une époque que caractérise la recherche échevelée du profit. Nous pensons qu’il est possible de vivre décemment de son art sans assommer ses patients de tarifs excessifs. D’ailleurs, il peut et doit être recherché les modalités d’une coopération fructueuse entre les deux secteurs, entre le privé et le public. Pour mieux servir l’intérêt général, il doit être trouvé les moyens d’une co-existence harmonieuse.
5 - Protéger par l’emploi
Pour le commun des femmes et des hommes, être sans emploi salarié, c’est être sans ressources. Et sans ressources, il est difficile de vivre dans la société monétisée aujourd’hui nôtre. C’est la survie même qui est menacée. Finis les temps où l’on pouvait, sobrement, se contenter de quelques têtes de bétail pour survivre. En changeant de milieu de vie, nous avons changé de moyens de subsistance. Il nous faut aujourd’hui travailler pour subsister. Gagner sa vie passe par le travail rémunéré.
Il s’ensuit que, pour le citoyen djiboutien, il doit être possible de travailler. C’est de la responsabilité de l’Etat. Dans ses possibilités aussi. La situation de chômage massive (70% selon les chiffres officiels), la situation de méga-chômage qui nous accable, n’est pas une fatalité. Elle est la conséquence de la mal-gouvernance.
Ce qui crée l’emploi, c’est l’investissement, qu’il soit public ou privé. Or, que l’on soit djiboutien ou étranger, l’on n’investit que si l’on estime que cela en vaut la peine, que si l’on y trouve un intérêt. L’on n’investit pas dans un environnement aussi délabré que celui qui résulte du système Ismaël Omar Guelleh. L’on n’investit pas dans un pays où les décideurs et institutions sont corrompus, où il n’y a pas de sécurité juridique et judiciaire, où il faut soudoyer pour la moindre démarche, où la protection pour sa personne et ses biens se monnaye au prix fort. L’on n’investit pas dans un pays où les décideurs présentent la poche aux investisseurs au lieu de leur tendre une main de bienvenue, où la culture du casho ou maaco, entendez manger, prédomine. On évite soigneusement un tel environnement, à moins d’être myope, ou d’avoir des penchants mafieux et de vouloir se joindre à la meute. Aux yeux de l’investisseur honnête, qui a des idées et du capital, qu’il soit étranger ou non, le climat à la Ismaël Omar est sans avenir. Donc sans intérêt.
Ne parlons même pas des investissements publics. L’on sait ce qu’il en est, ce que sont les projets du régime et ce qu’il en advient. L’on connaît le sort des usines d’eau (mise en bouteille, s’entend) et de marbre d’Ali-Sabieh, celui des Eaux de Tadjourah. L’on sait ce qu’il est advenu du Port de pêche, de la Laiterie ou des Aliments du bétail de la capitale. L’on se souvient du projet mirage, encore un, dit de recyclage des ordures inauguré en grande pompe à Doudah en 1999. La liste est longue, trop longue.
Pour renverser la vapeur, il faut renverser le mal-ordre. Il faut restaurer l’ordre naturel des choses. Il faut un Etat digne de ce nom qui réunisse les conditions de la création d’emplois. Il faut un Etat qui bâtisse et incite à bâtir. Un Etat qui attire au lieu de repousser. Qui attire les investissements étrangers en recherche d’opportunités, en suscite chez ses citoyens, en fait lui-même quand il le faut. Un Etat créatif, novateur. Un Etat dynamique et dynamisant.
Nous avons à conduire une politique volontariste de l’emploi. Une politique, non isolée et donc bancale, mais qui s’inscrive dans une stratégie générale de gouvernement. Car la lutte contre le chômage est une action d’ensemble qui doit mobiliser toutes les énergies. Pour faire reculer aussi drastiquement que possible un chômage devenu endémique, il faut travailler à levers les obstacles aux investissements créateurs d’emplois et de revenus. Pour ce faire, agissons à plusieurs niveaux. En termes d’environnement général : asseoir la démocratie et l’Etat de droit, garantir la sécurité juridique et judiciaire, assainir les mœurs publiques et l’administration, reformer la fiscalité et le code des investissements. En termes de promotion de nos atouts : promouvoir notre positionnement stratégique, notre vocation à devenir un centre d’éclatement régional, nos port et aéroport modernes, nos transports, nos télécommunications, notre monnaie stable et librement convertible, notre savoir-faire pour un certain nombre de prestations de services, nos possibilités touristiques, notre population jeune et ouverte au progrès dont une certaine frange a pu se former en dépit de la mal-gouvernance, etc. En termes de réduction des coûts : diversifier les sources de l’énergie électrique pour la rendre plus accessible, combattre la vie chère qui renchérit la main d’œuvre, développer la formation des Djiboutiennes et Djiboutiens, etc.
Il s’agit, voyons-nous, de créer des emplois durables et de faire en sorte qu’ils trouvent des femmes et hommes aptes à les occuper.
Et dans cet esprit, la situation actuelle qui fait que les chômeurs sont livrés à eux-mêmes doit cesser. Il nous faut imaginer un mécanisme qui recense au plus près les chômeurs de manière à cerner sérieusement le problème. Car plus l’information est adéquate, plus la réponse sera pertinente.
Recenser mais aussi accompagner humainement les sans-emploi durant l’épreuve du chômage. Il convient de réfléchir à la mise en place d’une assurance chômage pour les travailleurs.
De la sorte, les Djiboutiens retrouveront confiance et espoir, verront que chacun a sa place dans la collectivité, que tous les talents sont bienvenus, que les femmes et les hommes qui les portent peuvent en vivre. De la sorte, ils serviront honnêtement leur intérêt et celui de la société, chacun comprenant que mérite rime avec récompense.
C’est de cette manière que nous reconquérrons notre crédibilité extérieure et la confiance de nos partenaires et des investisseurs.
6 - Protéger par le logement
Le logement n’est pas une faveur réservée à une minorité de privilégiés mais un droit que l’on doit être en situation d’obtenir. Se loger décemment n’est pas un luxe mais un besoin élémentaire à satisfaire en priorité. Ne pas disposer de son logement est un signe de précarité. C’est contre-productif en termes d’intégration nationale.
Nous refusons de croire, comme tendent à nous l’inspirer trente ans de mal-gouvernance, qu’accéder au logement relève de l’impossible. Le logement décent doit cesser de paraître un rêve impossible pour le plus grand nombre.
Il s’impose ici de conduire une politique à la mesure des besoins qui sont considérables. Cette politique doit partir d’un fidèle état des lieux. Il faut intégrer toutes les données. A savoir nos niveaux de revenus et leur évolution compte tenu du renouveau engagé, la nécessité d’adapter le logement à nos conditions climatiques, l’existence de matériaux locaux utilisables, le savoir-faire national, l’aide extérieure au logement , etc.
Nous devons garder à l’esprit que notre pays n’est pas le seul confronté à ce problème à travers le monde. Il n’est pas le seul pays du Sud qui ait à traiter cette question. D’autres l’ont fait ou le font. Des pays pas forcément plus riches ni plus malins que nous. Des expertises et des expériences réussies existent en la matière et peuvent nous inspirer.
Il nous faut aboutir à un système de logement transparent, incitatif et efficace. Un système en phase avec la politique d’urbanisation et d’aménagement du territoire. Un système qui dispose de ses sources de financement et de son savoir-faire. Un système aussi bon marché que possible. Un système qui ne néglige aucune couche ni aucun revenu.
Voilà comment il nous semble possible de prendre à bras le corps le lancinant problème du logement.
7 - Protéger par la lutte contre la cherté de la vie
Que notre pays est l’un des plus chers au monde n’est un secret pour personne. Mais cette cherté ne nous est pas imposée du ciel, ainsi que nous le répétons depuis des années, elle est largement artificielle. S’il est vrai que nous importons la quasi-totalité de ce que nous consommons, ce qui n’est pas une fatalité non plus, cela ne signifie nullement que nous sommes condamnés à importer cher ni à laisser pratiquer des marges bénéficiaires excessives. Pas plus que nous ne sommes obligés de taxer sans tact les denrées de première nécessité. La cherté de la vie a à voir avec l’absence de politique d’approvisionnement, avec les pratiques commerciales locales et le contrôle défaillant des prix des produits vitaux et stratégiques, avec la politique fiscale.
Mieux faire en la matière est tout à faible possible. Il est urgent de nous donner les moyens d’une bonne connaissance des marchés internationaux pour un approvisionnement à moindre coût. Le monde des producteurs ne se limite pas à quelques contrées, il est bien plus vaste. Il convient de mieux l’étudier, de mieux le connaître pour mieux nous fournir.
Sur le front de la distribution locale, l’Etat doit être capable de faire évoluer positivement les pratiques commerciales. Capable de contribuer à un meilleur savoir-faire de nos opérateurs. Capable de vigilance anti-abus pour protéger les consommateurs. Il lui faut montrer à nos importateurs qu’il est possible de faire des affaires sans importer cher, ni sacrifier la qualité, ni écraser les consommateurs sous les prix.
Urgent aussi de revoir la fiscalité qui nous renchérit la vie. La fiscalité doit être conçue pour servir l’intérêt général, non le desservir. Cela commande une réforme de notre système fiscal pour le faire participer à la lutte contre la vie chère, à l’effort de compétitivité économique, sans nuire au financement de l’action publique.
Gardons toujours à l’esprit qu’une vie moins chère, c’est un niveau de salaires plus compétitif, un coût de main d’œuvre plus propice aux investissements, une activité économique plus forte, des possibilités de redistribution accrues. C’est un développement socioéconomique plus aisé.
8 - Protéger par les infrastructures de base
Nos routes, notre réseau d’assainissement et d‘évacuation des eaux pluviales, nos fournitures d’électricité et d’eau, nos ports et aéroports, nos télécommunications, notre urbanisme, notre aménagement du territoire, notre environnement, tous ces domaines cruciaux ne font pas l’objet de l’attention qu’ils méritent. Ils ne sont pas perçus par le régime pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des nécessités pressantes, des priorités pour l’action publique et le développement.
Il faut nous atteler à la tache et doter le pays d’infrastructures dignes de ce nom. Développer le réseau routier de manière à faciliter grandement les communications à l’intérieur de notre petit pays et avec les Etats limitrophes. Désenclaver le pays intérieur (qui semble se réduire aux chefs-lieux dans l’esprit du pouvoir en place) et faciliter (en concertation avec les gouvernements concernés) les liaisons routières avec nos voisins. Les routes, comme en témoigne notre Fonds d’investissement routier, ainsi que le montre la pratique du péage ailleurs dans le monde, peuvent générer des ressources utilisables pour leur entretien comme pour l’extension du réseau. Il est donc temps de remettre en état nos quelques routes, en construire d’autres. Sans oublier le chemin de fer, mode de transport bon marché, qui nous relie aux plateaux éthiopiens.
Une autre urgence est de nous pencher sérieusement sur le récurrent problème de l’assainissement et de la propreté, dans la capitale comme ailleurs. A cet égard, réhabiliter le service de voirie en le dotant des moyens de son action et en y mettant les femmes et les hommes qu’il faut. Développer le système d’assainissement en accord avec la politique d’urbanisation. Le spectacle des dangereux cloaques et autres amoncellements de détritus, doit cesser. Nos villes et villages doivent retrouver un visage décent. C’est un impératif de vie et de santé publique.
De même, trouvons les voies et moyens de mettre fin aux inondations incessantes de la capitale. Mettons en place un mode fiable d’évacuation des eaux pluviales. Un mode qui s’insère dans un urbanisme responsable, qui soit en phase avec le développement de la ville.
Urbanisation, disons-nous. Ce n’est pas enfermer dans du béton sans âme, ni dans des ghettos d’un autre âge. Procédons à un véritable état des lieux. Tirons les leçons des échecs du passé, intégrons les contraintes liées aux implantions côtières et aux risques du réchauffement climatique, concevons un urbanisme d’avenir. Réfléchissons à la situation de ces bas quartiers de la capitale qui ont toujours été négligés dans la «politique» de la ville.
Il nous faut coupler l’urbanisation avec une action d’aménagement harmonieux du territoire. Aménager le territoire n’est pas engorger la capitale et laisser la province se vider ! Aménager c’est corriger les disparités entre la capitale et la province, entre les chefs-lieux et le reste du pays intérieur. C’est rééquilibrer les choses pour rendre zones rurales et centres urbains des lieux de vie décente et d’épanouissement pour le plus grand nombre.
Et l’environnement ? Il ne peut se préserver à coups d’atteintes graves ! Il est temps de sauver notre fragile écosystème. Mettons fin aux pratiques négatives. Combattons la coupe de bois sauvage, le braconnage, les pollutions diverses. Reboisons pour faire reculer le désert. Reboisons pour reconstituer notre modeste couvert végétal. Voyons même dans quelle mesure introduire la verdure aux contrées traditionnellement pelées. Rendons leur éclat à toutes nos plages.
La protection environnementale requiert un effort soutenu de réflexion et d’action, de surveillance de terrain et de sensibilisation populaire. Elle appelle la participation de tous.
Gérons en bon père de famille nos ports, nos aéroports, nos télécommunications, bref nos établissements publics en général. Il est scandaleux que ces éléments du patrimoine public soient confisqués par les gouvernants, administrés à leur profit. Il est inacceptable que notre port et notre aéroport échappent au contrôle public. Cette situation doit cesser. Ces poumons de notre économie, ces bassins d’emplois et de progrès, doivent être au service du pays et de son développement.
Gérons mieux et démocratisons l’électricité. Ne pas hésiter, ici, à explorer toutes les possibilités alternatives à l‘électricité thermique basé sur le pétrole. Recourir aux énergies nouvelles comme l’éolienne, la solaire. A l’heure du réchauffement climatique planétaire et d’une certaine prise de conscience des risques liés aux énergies d’origine fossile, les énergies alternatives, dites nouvelles et renouvelables (force du vent, force des marées, énergie du soleil, etc.), existent et se développent. Elles le font d’autant plus que les crises répétées du pétrole plongent régulièrement le monde dans des difficultés. Intéressons-nous-y activement.
Dans la même optique, réétudions notre géothermie, réévaluons sainement son potentiel. Elle n’a pas livré tous ses secrets. Intéressons-nous pareillement à ce qu’offrent les pays limitrophes. Ne pas craindre de nous tourner vers notre voisin éthiopien pour notre approvisionnement en énergie. Il s’offre à nous des possibilités d’interconnexion électrique avec son réseau hydraulique qui, nous le savons, est considérable. C’est une offre d’électricité comme toute offre autre économique, une pratique devenue courante à travers monde, et nous aurions tort de nous en priver. Recourons-y de manière responsable.
Il est temps, pour nous, de faire en sorte que l’électricité ne soit plus un produit inabordable pour le plus grand nombre.
D’autre part, il convient de prendre à bras-le-corps la problématique de l’eau. L’eau doit devenir accessibles à tous. Il s’impose d’en finir avec la mal-gestion actuelle et de bien gérer ce précieux liquide, en amont, avec la production, en aval, avec la consommation.
Il est urgent de combattre, et partout, la pollution des ressources. A Ambouli, dans la capitale, à la palmeraie de Dikhil, au Sud-ouest du pays, etc. Urgent de capter les eaux de pluies pour aider au renouvellement des nappes phréatiques et améliorer l’approvisionnement. Songeons aux millions de m3 d’eau du ciel qui, à chaque saison de pluies, se perdent sous nos yeux ! Urgent de lancer, à l’échelle nationale, une campagne rationnelle de recensement de nos ressources en eau.
En aval, luttons contre le gaspillage, qu’il soit lié aux déficiences du réseau ou à une mauvaise utilisation par les consommateurs. Sensibilisons la population sur le fait que l’eau n’est pas un bien indéfiniment abondant. Travaillons à changer notre rapport à l’eau, à nous inculquer des réflexes utiles, bref à acquérir une culture de bon usage.
Il est temps de nous mobiliser pour éloigner le spectre récurrent de la pénurie et de la soif !
9 - Les plus vulnérables ont aussi besoin de protection
Ce sont, outre les chômeurs, la jeunesse, la femme, les personnes âgées et les minorités. Il s’agit de groupes qui, de par leur situation difficile, nécessitent une attention particulière.
Les jeunes, pour commencer par eux, constituent l’essentiel de la population djiboutienne. Pas moins des deux tiers des six à sept cent mille habitants. Ils sont pourtant largement victimes de la mauvaise gouvernance. Victimes de non-scolarisation, d’échec scolaire, de non-insertion sur le marché de l’emploi, de manque de loisirs. Victimes d’exclusion, en un mot.
Ils doivent, par conséquent, faire l’objet d’une véritable politique de la jeunesse. Parallèlement à la réhabilitation d’un système éducatif désormais sinistré, les jeunes déscolarisés et autres non scolarisés doivent trouver la voie d’une réelle insertion socioprofessionnelle. L’Etat doit scolariser (ou re-scolariser quand cela est possible), former à un métier répondant aux besoins de l’économie dans le cas inverse, sans distinction de sexe ni discrimination d’aucune sorte. Il doit se soucier de doter la jeunesse d’équipements de loisirs. Il est scandaleusement anormal que nos quartiers ne disposent pas de véritables lieux de détente pour jeunes, qu’ils manquent d’aires de jeux, d’espaces verts. Scandaleux que les activités culturelles et sportives demeurent sous-développées. Anormal que nos jeunes, mais aussi nos adultes, ne jouissent pas du bel air de nos belles plages, livrées au béton et à la pollution. Anormal qu’ils aient pour seuls compagnons le khat, le tabac et autres méfaits du désespoir. Il est temps que tout cela change.
Temps que change aussi la situation de la femme djiboutienne. Elle appelle un effort national à la mesure de la tâche à mener : valoriser ce formidable capital humain injustement délaissé par le pouvoir passe par la promotion tous azimuts (éducative, sanitaire, sociale, économique et politique) de la Djiboutienne. Elément essentiel de la cellule familiale, génératrice de vie et d’humanité, mère nourricière, éducatrice et protectrice, la femme djiboutienne doit aussi devenir pleinement citoyenne. Elle doit, au-delà de son rôle social fondamental, contribuer à la marche et au progrès de la collectivité. Elle recèle de formidables gisements de talent et d’ambition, d’immenses ressources.
Les personnes âgées sont une autre priorité. Ce sont souvent des trésors négligés d’expérience et de savoir, mais aussi des victimes de la mal-gouvernance. Nous savons que le pouvoir en place a purement et simplement supprimé la pension pour de nombreux retraités, et l’a réduite à une taux de misère pour les autres. Il nous faut réhabiliter le système de retraite et, au-delà, l’ensemble de la sécurité sociale en tenant compte de la situation de toutes les personnes âgées.
Quant aux minorités, qu’elles soient communautaires, religieuses ou autres, il ne nous est point question de nous voiler les yeux sur leur sort. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce qu’elles ne soient pas reléguées au rang de citoyens de seconde zone. Elles doivent jouir des mêmes droits et devoirs que leurs autres concitoyens. Elles ont le même droit inaliénable à l’égalité des chances et à la récompense du mérite. Les minorités doivent, au même titre que les groupes dits majoritaires, pleinement s’épanouir dans le cadre national.
10 - Plus généralement, protéger par la justice sociale
En luttant contre toutes les formes d’inégalités et en organisant la solidarité nationale. Ce qui requiert une politique novatrice et attentive qui, au-delà des effets, s’attaque aux sources des inégalités.
La moralisation des mœurs publiques est une urgence. Elle amène à combattre vigoureusement le népotisme, la corruption, le tribalisme et tous autres comportements négatifs. Elle amène à réhabiliter les valeurs de progrès tels que le mérite et l’égalité des chances.
Soulignons à ce propos que les pratiques publiques néfastes en cours dans les sphères dirigeantes de notre pays provoquent un renversement des valeurs et sécrètent une dangereuse culture de la médiocrité. Au nom de considérations de type alimentariste, les meilleurs, parce qu’ils ne sont pas insensibles à la dégradation généralisée, sont écartés et les médiocres récompensés qui ne sont pas susceptibles de déranger l’ordre établi. Il en résulte qu’à tous les niveaux de l’appareil d’Etat, la qualité (au sens large du terme) des agents et autres décideurs est souvent inversement proportionnelle à leur niveau de responsabilité. Situation qui se prolonge jusque dans le secteur privé où, par une logique de système, les médiocres supplantent souvent les meilleurs.
Il est clair que ces pratiques découragent par ricochet l’effort et l’esprit de progrès pour y substituer la tentation de la facilité et conduire droit à l’échec. Il est donc temps d’y mettre fin et de restaurer l’ordre naturel des choses où l’égalité des chances et la récompense du mérite suscitent le goût de l’effort, mobilisent les énergies, impriment et entretiennent la dynamique du progrès.
La justice sociale, on le voit, exige de l’Etat repensé que soit organisée la solidarité nationale entre jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, actifs et non actifs, entre majorités et minorités, régions riches et contrées pauvres, entre instruits et analphabètes... Il y va de l’équilibre national et de la cohésion sociale.
11 - Et la culture nationale ?
Notre identité culturelle, nous l’avons dit plus haut, dans nos quelques considérations sur le rôle éducatif de l’Etat que nous appelons de nos vœux, a besoin d’être préservée. Elle doit pouvoir se transmettre par la famille, par l’école comme par la société.
Mais notre culture ne peut se transmettre si elle n’est pas protégée. Elle doit s’inscrire dans les préoccupations de l’Etat repensé. C’est ainsi que notre patrimoine oral doit être transcrit pour en faciliter la sauvegarde, la transmission et la mise en valeur. Cela est indispensable à un moment où, en mutation, notre société connaît une réelle vulnérabilité. L’enjeu est si important, si vital, que s‘impose la création d’un Institut national du patrimoine oral, chargé (en liaison avec les autres départements de l’Etat comme l’Education nationale) de la préservation et de la promotion de l’oralité.
Est-il besoin, à cet égard, de rappeler que de même qu’un arbre ne peut subsister et croître sans plonger ses racines dans la terre nourricière, de même une nation ne peut survivre et se développer sans préserver ce qui fait son identité culturelle ?
12 - Protéger par la préservation de l’intégrité du territoire national
C’est la défense nationale. Elle appelle, non pas une armée en guenilles, des soldats mal formés et sous-payés, mais un outil de défense nationale rationalisé et réaliste. Un outil qui, outre ses tâches traditionnelles d’instruction et d’entraînement, en vue de défendre le pays en cas d’agressions extérieures, participe à l’effort de développement. Il nous faut une armée qui s’insère remarquablement dans l’effort national de construction du pays et de la nation.
Dans cette rationalisation de l’outil de défense, et parce que notre pays est trop petit pour se défendre tout seul, il n’est pas question de remettre en cause nos amitiés. L’idée d’accords de défense avec les nations amies, pour mieux garantir notre intégrité territoriale, nous est d’une grande utilité. Nous entendons la conserver.